le 11/10/2017

De nouvelles perspectives en matière d’électricité et de gaz issues du projet de loi mettant fin à la recherche et à l’exploitation d’hydrocarbures amendé par l’Assemblée Nationale

Projet de loi visant à mettre fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation d’hydrocarbures conventionnels et non-conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement déposé à l’Assemblée nationale le 6 septembre 2017 (version amendée et adoptée en première lecture le 10 octobre 2017

Dans le cadre de la mise en œuvre du « Plan climat » lancé par le Gouvernement depuis le 6 juillet 2017, un projet de loi mettant fin à la recherche et à l’exploitation d’hydrocarbures est en cours de discussion au Parlement en procédure accélérée et vient d’être adopté en première lecture par l’Assemblée nationale.

Ce projet de loi vise principalement à modifier plusieurs dispositions du code minier pour mettre fin à l’octroi de permis de recherche de gisements d’hydrocarbures et au renouvellement des concessions d’exploitation d’hydrocarbures au-delà de 2040. Cette interdiction de la recherche et, à terme, de l’exploitation d’hydrocarbures s’applique également au gaz de schiste alors que, en l’état actuel du droit, seule la fracturation hydraulique est interdite.

Comme l’indique son intitulé, le projet de loi porte également sur diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement visant à « mieux protéger les consommateurs d’énergie et à transposer les directives européennes » (cf. Communiqué de presse du 6 septembre 2017 du ministère de la transition écologique et solidaire).

A ce titre, deux chapitres du projet de loi attireront plus particulièrement l’attention des acteurs du marché de l’électricité et du gaz.

  • Au chapitre II du projet de loi, une habilitation permet au Gouvernement de fixer par voie d’ordonnance un nouveau cadre régulatoire pour l’accès des infrastructures souterraines de stockage de gaz naturel, et destiné notamment à « garantir à l’ensemble des fournisseurs un accès aux capacités de stockage dans des conditions transparentes, non discriminatoires et n’entraînant pas de surcoûts excessifs pour les consommateurs (…) ».
  • Les dispositions du chapitre III étendent, quant à elles, la compétence en matière de régulation tarifaire de la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après la « CRE») aux prestations de gestion de la clientèle fournies par les fournisseurs aux gestionnaires de distribution d’énergie.

Il est prévu que la CRE fixera les « éléments » et le « montant » de la rémunération des fournisseurs d’énergie pour ces prestations exécutées dans le cadre de contrats portant sur l’accès aux réseaux ; contrats qui seront d’ailleurs conclus à partir de modèles établis par chaque gestionnaire de réseau de distribution et approuvés par la CRE. Sur ce point, une consultation publique a d’ores et déjà été organisée par la CRE, en mai 2017, pour recueillir l’avis de l’ensemble des acteurs concernés, et ce afin de prévoir des modalités de rémunération « équitables et transparentes » des fournisseurs d’énergie (cf. notre Lettre d’actualités juridiques Energie et Environnement n° 29 de juin 2017 sur le sujet ).

Lors de l’examen du projet de loi, les députés ont également adopté deux amendements qui intéresseront les acteurs du marché de l’électricité et du gaz :

  • Le premier amendement prévoit d’intégrer les indemnités pour retard de raccordement des installations d’éolienne en mer et (ii) celles relatives à la limitation partielle ou totale de la production de ces éoliennes en raison d’avaries sur les ouvrages de la partie marine du réseau, parmi les coûts pris en compte dans le calcul des Tarifs d’Utilisation des Réseaux Publics d’Electricité (ci-après le « TURPE») à l’article L. 341-2 du Code de l’énergie.

La prise en charge de ces coûts est soumise à conditions dans le projet de loi et les modalités d’application seront précisées par décrets simples (c’est-à-dire sans validation du Conseil d’Etat).

En outre, par exception à la contribution due au gestionnaire du réseau de transport prévue à l’article L. 342-7 du Code de l’énergie, il est également prévu que le gestionnaire de réseau de transport pourra prendre en charge le coût du raccordement « correspondant aux conditions techniques prévues par le cahier des charges ou définies par le ministre chargé de l’énergie, y compris les coûts échoués en cas d’abandon de la procédure de mise en concurrence » lorsque le producteur ne choisit pas l’emplacement de la zone d’implantation du parc éolien (cf. Chapitre III du projet de loi).

  • Le second amendement prévoit la création d’un chapitre V au sein du titre IV du livre III du code de l’énergie, composé de sept articles, intitulé « Les réseaux intérieurs des bâtiments » constituant une troisième catégorie de réseau de distribution d’électricité, distincte du réseau public et du réseau fermé.

Les bâtiments concernés seront ceux à usage tertiaire ou accueillant un service public, appartenant à un propriétaire unique et raccordés au réseau public de distribution d’électricité en un point unique. Le raccordement d’utilisateurs au réseau à l’intérieur de ces bâtiments ne pourra faire obstacle ni au droit pour un producteur de bénéficier de l’obligation d’achat ou du complément de rémunération, ni à la liberté du consommateur de choisir son fournisseur d’électricité, ni à leur participation au mécanisme d’effacement de consommation.

 

En revanche, aux termes de son exposé, l’amendement ne crée pas un « statut spécifique pour les « gestionnaires » de ces réseaux intérieurs » mais a pour objectif d’autoriser, sous réserve de satisfaire à des conditions strictes, les raccordements indirects de consommateurs à la suite de la décision de la Cour d’appel de Paris du 12 janvier 2017, Société Valsophia SARL (n°2015/15157 ; cf.  notre Lettre d’actualités juridiques Energie et Environnement n°  26 de mars 2017 sur le sujet ).

 

D’ailleurs, le dispositif de comptage du réseau intérieur sera installé par le gestionnaire du réseau public de distribution et le comptage sera effectué dans les conditions tarifaires d’une prestation annexe réalisée à titre exclusif par celui-ci (et donc exclue de l’assiette du TURPE).

 

Si l’objectif principal est ainsi de développer l’autoconsommation collective dans les bâtiments à usage tertiaire, il convient de s’interroger sur l’articulation qui sera à donner, si ce texte est définitivement adopté, entre réseaux publics de distribution, réseaux fermés et réseaux intérieurs.

Enfin, s’agissant des dispositions relatives à l’environnement, le projet de loi procède à la transposition de la directive n°2015/1513 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 modifiant la directive 98/70/CE concernant la qualité de l’essence et des carburants diesel et modifiant la directive 2009/28/CE relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables (cf. Chapitre IV du projet de loi), ainsi qu’à la transposition de la directive n°2016/2284 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016 concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques, modifiant la directive 2003/35/CE et abrogeant la directive 2001/81/CE (cf. Chapitre V du projet de loi).

Adopté le mardi 10 octobre dernier, le projet de loi amendé a été transmis au Sénat pour une deuxième lecture dont la première séance a été fixée au 7 novembre 2017.