le 16/06/2016

Vers une extension du délit de favoritisme aux « contrats de concessions » ?

Projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, adopté en 1ère lecture par l'Assemblée nationale le 14 juin 2016

On le sait, le champ d’application du délit de favoritisme a fait l’objet de nombreux débats ces dernières années.

Rappelons en effet que l’article 432-14 du Code pénal réprime des actes contraires « aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public ».

Les plaideurs se sont donc affrontés sur le fait de savoir si ce délit se limitait aux seuls « marchés publics » et « délégations de service public » strictement entendus, ou devait s’étendre à l’ensemble des contrats de la commande publique.

Dans le dernier état de sa jurisprudence, la Cour de cassation a jugé dans un arrêt du 17 février dernier (Crim. 17 févr. 2016, n° 15-85.363) que l’article 432-14 du Code pénal « s’applique à l’ensemble des marchés publics et non pas seulement aux marchés régis par le Code des marchés publics ; […] que ces dispositions pénales ont pour objet de faire respecter les principes à valeur constitutionnelle de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ; que ces principes, qui constituent également des exigences posées par le droit de l’Union européenne, gouvernent l’ensemble de la commande publique ».

La question se présente aujourd’hui devant le Parlement où est actuellement étudié le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite « Loi Sapin II »), par le biais duquel le Gouvernement souhaite notamment ratifier les ordonnances « marchés publics » et « concessions » des 23 juillet 2015 et 29 janvier 2016.

Le texte adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 14 juin dernier prévoit en son article 10 de remplacer la référence faite par l’article 432-14 du Code pénal aux « délégations de service public » par une référence aux « contrats de concession ».

Ainsi, le délit de favoritisme trouverait à s’appliquer à l’ensemble des contrats de la commande publique.

En effet, rappelons que les « marchés publics », régis par l’ordonnance du 23 juillet 2015 et son décret d’application du 25 mars 2016, doivent dorénavant s’entendre comme regroupant les marchés anciennement soumis au Code des marchés publics, à l’ordonnance du 6 juin 2005 et les anciens contrats de partenariat de l’ordonnance du 17 juin 2004.

Les « contrats de concessions », régis par l’ordonnance du 29 janvier 2016 et son décret d’application du 1er février 2016 regroupent quant à eux les concessions de travaux, concessions de services et délégations de service public.

Reste à voir ce que donnera l’examen du texte devant le Sénat, début juillet.

Notons à cet égard que la commission des lois du Sénat, étudiant le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, y avait introduit le 16 mars 2016 un amendement élargissant déjà le délit de favoritisme aux « contrats de concession » (article 11 du projet de loi).