le 23/01/2020

Validation des tarifs plafonds applicables aux Centres d’Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS) par la Haute juridiction administrative

CE, 31 décembre 2019, n° 422131

Un arrêt du Conseil d’Etat a validé les tarifs plafonds fixés par un arrêté interministériel du 2 mai 2018[1] pour les Centres d’Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS). Les lois de financement de la Sécurité sociale pour 2008 et 2009 et la loi de finances pour 2009 ont en effet modifié le droit budgétaire des ESSMS financés par l’Etat en créant des tarifs plafonds règlementaires notamment s’agissant des Etablissements ou Services d’Aide par le Travail (ESAT) et des CHRS.

C’est ainsi que l’article L. 314-4 du Code de l’action sociale et des familles (CASF) prévoit qu’un arrêté interministériel doit, pour chacune de ces catégories, déterminer le forfait plafond ou son mode de calcul ainsi que les règles permettant de ramener le tarif pratiqué au niveau du tarif plafond.

Dans ce cadre, un arrêté interministériel en date du 2 mai 2018 – soit près de neuf ans après que le législateur en a prévu la possibilité – a fixé pour la première fois les tarifs plafonds des CHRS qui leur sont imposés au titre de l’exercice 2018. Ces tarifs dépendent des prestations apportées par ces centres déterminés à partir de douze Groupes Homogènes d’Activité et de Missions (GHAM). Les différents montants retenus ont été reconduits pour l’exercice 2019 par un arrêté du 13 mai 2019[2].

Plusieurs associations se sont opposées à la fixation de tels tarifs plafonds et ont alors formé un recours contre cet arrêté. C’est ce dernier qui vient d’être définitivement rejeté par la Haute juridiction administrative.

Tout d’abord, sur la possibilité pour l’autorité compétente de l’Etat de procéder à la tarification d’office de l’établissement en l’absence de transmission des données prévues à l’article L. 345-1 du CASF visée à l’article 3 de l’arrêté, la juridiction a rappelé que l’arrêté se bornait à rappeler la règle prévue par ces mêmes dispositions. Ce principe laisse cependant une grande part d’incertitude dans l’hypothèse où l’organisme gestionnaire ne parvient pas à transmettre ses données, en raison d’un problème informatique par exemple.

Ensuite, le recours portait notamment sur le niveau retenu pour les tarifs plafonds et la méthode retenue par l’autorité administrative pour les déterminer qui, selon les requérants, auraient manqué de fiabilité. Or, le Conseil d’Etat considère que rien n’interdisait que les tarifs plafonds soient différenciés en fonction des missions assurées par les établissements et du type d’hébergement qu’ils proposent, c’est-à-dire, par GHAM. Au contraire, les juges considèrent qu’ils visent à mieux prendre en compte les charges supportées par les structures dans l’allocation des ressources de l’Etat. De même, les juges ont considéré que l’étude des coûts portant sur l’activité de 672 CHRS sur un total de 797 existants, ayant permis de fixer les tarifs plafonds, était un échantillon « suffisant pour permettre aux ministres d’appréhender les coûts moyens des établissements et services et d’identifier les facteurs expliquant les écarts à la moyenne », cela en dépit du fait que l’étude en question n’a pas fait l’objet d’une publication ou n’était prévue par aucune disposition législative ou règlementaire.

Par ailleurs, à l’argument selon lequel les coûts – en particulier immobiliers – supportés par les CHRS sont hétérogènes, les juges ont répondu en considérant que les ministres n’ont pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en adoptant des tarifs plafonds uniformes pour l’ensemble du territoire et en n’opérant des majorations des tarifs plafonds que pour les collectivités d’outre-mer.

Enfin, les juges ont validé le principe fixé à l’article 3 de l’arrêté contesté et qui concernait les règles applicables aux établissements présentant un coût de fonctionnement brut à la place supérieur à ces tarifs plafonds et notamment la possibilité pour le préfet d’aller au-delà du taux d’effort déterminé dans certaines circonstances. Si les organisations à l’origine du recours contestaient l’imprécision de cet effort, le Conseil d’Etat a considéré que les dispositions permettant à l’autorité de tarification d’appliquer un taux d’effort budgétaire supérieur dans le cadre de la procédure prévue à l’article L. 314-7 du CASF afin de tenir compte des moyennes observées sur son territoire et des écarts à ces moyennes pour des établissements dont l’activité est comparable étaient suffisamment claires et précises.

Cette décision du Conseil d’Etat ne surprend pas étant donné qu’il avait déjà validé les tarifs plafonds fixés en 2015 pour les ESAT[3]. Le Conseil d’Etat reconnait toutefois plus spécifiquement dans l’arrêt étudié une grande marge d’appréciation au Gouvernement pour fixer les tarifs plafonds. Il reviendra ainsi au juge de la tarification sanitaire et sociale de se prononcer sur la manière dont les préfets de Région appliquent ces règles dans le cadre des recours contentieux formés par les CHRS à l’encontre de leurs tarifs 2018 et 2019.

Pour finir, rappelons que les tarifs plafonds ont été mis en place par le Gouvernement alors que ce dernier constatait une très forte hétérogénéité dans les crédits attribués aux CHRS et souhaitait garantir « plus d’équité dans la répartition des ressources, avec des tarifs harmonisés selon les prestations délivrées ».« Cette réforme ne remet aucunement en cause les deux principes au fondement de la politique de l’hébergement : l’inconditionnalité de l’accueil et la continuité de la prise en charge.»[4]. Il importe cependant de préciser que la tarification plafond intervient dans un contexte de restriction budgétaire avec un objectif gouvernemental de diminution du budget des CHRS qui forcément impactera la qualité de l’accompagnement des personnes hébergées et le nombre de places voire de centres disponibles.

[1] Arrêté du 2 mai 2018, NOR: TERS1804182A

[2] Arrêté du 13 mai 2019, NOR: TERS1913574A

[3] Conseil d’Etat, 28 juillet 2017, n° 39-4811

[4] Question écrite d’Emmanuelle Anthoine du 20 novembre 2018, n° 14374 et réponse du Ministère de la Ville et du Logement, n° 6491, JO de l’Assemblée nationale du 9 juillet 2019