Fonction publique
le 17/03/2022
Thibault CADOThibault CADO

Une autorisation implicite de cumul d’activité ne peut exister qu’à condition que le fonctionnaire ait adressé une demande écrite et suffisamment précise à son employeur

CE, 2 mars 2022, Université d’Aix-Marseille, n° 432959

Rendue à l’égard d’un enseignant chercheur, dont le régime de sanctions relève, contrairement aux fonctionnaires, du plein contentieux, une décision récente du Conseil d’Etat vient rappeler les conditions dans lesquelles l’existence d’une décision d’autorisation implicite de cumul d’activité peut être utilement invoquée, en l’espèce dans le cadre d’un contentieux disciplinaire.

La section disciplinaire de l’université avait prononcé à l’encontre d’un maître de conférence de l’université d’Aix Marseille une sanction d’interdiction d’exercice des fonctions de recherche dans tout établissement d’enseignement supérieur pendant deux ans avec privation de la moitié de son traitement, au motif que cet enseignant chercheur avait travaillé auprès de plusieurs employeurs privés sans avoir présenté de demande de cumul à l’Université, et a fortiori sans avoir obtenu l’autorisation de cette dernière.

En appel, le CNESER ( Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche) avait relaxé l’enseignant au motif que l’Université ne pouvait ignorer l’étendue de ses activités accessoires, mais cette décision avait été annulée pour dénaturation par le Conseil d’Etat par un arrêt du 12 septembre 2018, et l’affaire devait être renvoyée devant le CNESER.

Le 20 mai 2019, le CNESER a alors de nouveau prononcé la relaxe de l’enseignant chercheur, cette fois au motif que l’Université avait tacitement autorisé l’enseignant à cumuler ses activités d’enseignement auprès de l’école de management Audencia de Nantes et de l’école supérieure de commerce (ESC) de Rennes avec son activité principale de maître de conférences à l’université.

A nouveau saisi d’un pourvoi en cassation de l’Université, le Conseil d’Etat a à cette occasion dégagé les conditions de naissance d’une décision tacite de cumul d’activité, en jugeant que : « Si une autorisation implicite de cumul d’activités peut naître du silence gardé par cette autorité, c’est à la condition qu’une demande écrite, comprenant au moins l’identité de l’employeur ou la nature de l’organisme pour le compte duquel s’exercera l’activité envisagée, ainsi que la nature, la durée, la périodicité et les conditions de rémunération de cette activité et toute autre information de nature à éclairer l’autorité, lui ait été transmise ».

Ainsi, pour régulièrement se prévaloir d’une autorisation tacite de cumul d’activité, les agents soumis aux dispositions du décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020 relatif aux contrôles déontologiques dans la fonction publique devront néanmoins veiller à adresser une demande écrite conforme aux prescriptions de l’article 12 de ce décret (identité de l’employeur, nature de l’activité, durée, périodicité, rémunération etc…). Pour être complet, on précisera que la présente décision a été rendue au regard des dispositions du décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 relatif au cumul d’activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l’Etat, mais qu’elle nous paraît transposable aux nouvelles dispositions, en ce que celles de 2007 sont intégralement reprises par l’article 12 du décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020 relatif aux contrôles déontologiques dans la fonction publique

On notera également que dans cette affaire le Conseil d’Etat a pris en considération les éléments relevés par le CNESER pour relaxer par deux fois l’enseignant chercheur, non pas sur le terrain de la qualification juridique des faits mais sur l’appréciation du niveau de sanction, et, faisant usage de son pouvoir de réformation des sanctions relevant du plein contentieux, a ramené la sanction d’interdiction d’exercer toute fonction de recherche dans tout établissement public d’enseignement supérieur à une période d’un an assortie de la privation de la moitié du traitement. En effet, le Conseil d’Etat a relevé que l’université d’Aix-Marseille a bénéficié des liens entretenus par l’enseignant avec ces deux écoles, qu’elle ne pouvait, par suite, totalement ignorer.