le 13/04/2016

Un arrêt rendu en référé condamnant une partie à respecter les limites du droit de passage dont bénéficie son fonds n’a pas, au principal, autorité de la chose jugée – La Cour d’appel doit déterminer si une demande est nouvelle au regard des articles 564 à 567 du Code de procédure civile

Cass. Civ., 3ème. 25 février 2016, n° 14-29.760

Par cet arrêt, la troisième chambre civile de la Cour de cassation rappelle deux règles essentielles de la procédure civile à propos d’un arrêt de référé condamnant sous astreinte une partie à respecter les limites du droit de passage dont bénéficie son fonds : les décisions rendues en référé n’ont pas, au principal, autorité de la chose jugée et les Juges d’appel doivent vérifier si les demandes qui leur sont soumises doivent être considérées comme nouvelles au sens des articles 564 à 567 du Code de procédure civile.

En l’espèce, par un arrêt du 16 mars 2009 rendu en référé, la Cour d’appel saisie a condamné sous astreinte Madame X. à respecter les limites du droit de passage dont bénéficie son fonds sur celui de Monsieur et Madame Y.

Ensuite de cet arrêt, Monsieur et Madame Y. ont assigné Madame X. devant les Juges du fond pour demander la cessation de l’aggravation des conditions d’exercice de la servitude par la remise en état des lieux, la limitation de son usage et l’octroi de dommages-intérêts, ainsi que le déplacement de la bouche d’égout, la destruction d’un muret et la remise en état consécutive de leur propriété.

La première demande des époux Y. en cessation de l’aggravation des conditions d’exercice de la servitude par Madame X. a été rejetée par la Cour d’appel de Nancy au motif qu’il a déjà été statué sur cette demande par l’arrêt du 16 mars 2009 rendu en référé et que les consorts Y. n’apportent aucun élément nouveau depuis cet arrêt.

La seconde demande des époux Y. relative au déplacement de la bouche d’égout a, quant à elle, été déclarée irrecevable car nouvelle en cause d’appel. En effet, la Cour d’appel de Nancy a retenu que cette demande ne peut être considérée comme l’accessoire ou le complément des demandes présentées en première instance.

C’est dans ces conditions que les époux Y. ont formé un pourvoi en cassation.  
Ainsi, d’une part, se posait à la Cour de cassation la question de savoir si un arrêt rendu en référé condamnant sous astreinte une partie à respecter les limites du droit de passage rend irrecevable la demande au fond formée par l’autre partie tendant à la cessation de l’aggravation des conditions d’exercice de la servitude.  

La Cour de cassation répond par la négative en indiquant, au visa de l’article 488 du Code de procédure civile, qu’une « décision de référé étant dépourvue d’autorité de la chose jugée au principal, l’une des parties à l’instance en référé a la faculté de saisir le Juge du fond afin d’obtenir un jugement ».

Par là même, la Cour de cassation ne fait que rappeler les dispositions de l’article 488 du Code de procédure civile qui prévoit que « l’ordonnance de référé n’a pas, au principal, l’autorité de la chose jugée ».

D’autre part, la Cour de cassation a dû vérifier que la Cour d’appel avait fait une exacte application des textes relatifs aux demandes nouvelles s’agissant de la demande des consorts Y. relative au déplacement de la bouche d’égout.

La Cour de cassation casse également l’arrêt d’appel de ce chef et rappelle qu’une « juridiction d’appel, saisie d’une fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de prétentions nouvelles en cause d’appel ou la relevant d’office, est tenue de l’examiner au regard des exceptions prévues aux articles 564 à 567 du Code de procédure civile ».

En l’espèce, la Cour de cassation reproche à la Cour d’appel de n’avoir pas recherché si les demandes des époux Y. relatives au déplacement de la bouche d’égout ne tendaient pas aux mêmes fins que celles soumises aux Juges de première instance comme le commande l’article 565 du Code de procédure civile.

Ainsi, l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Nancy est cassé sur ces deux fondements.