le 16/07/2020

Transfert d’entreprise : qui est tenu au paiement des dettes en cas de requalification en contrat de travail ?

Cass. Soc., 27 mai 2020, n° 19-12.471

En cas de transfert de l’entreprise, s’agissant de la répartition des dettes, il convient de faire une distinction entre celles nées avant ou après le transfert :

  • les dettes nées avant le transfert incombent en principe au cédant mais le nouvel employeur est tenu, à l’égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, des obligations qui incombaient à l’ancien employeur à la date du transfert, à charge pour l’ancien employeur de rembourser les sommes ainsi acquittées par le nouveau (C. trav., art. L 1224-2).
  • les dettes nées après le transfert d’entreprise sont à la charge du nouvel employeur même si elles correspondent pour tout ou partie à un travail accompli sous l’ancienne direction. Le nouvel employeur peut se faire rembourser par son prédécesseur la fraction d’indemnité correspondant à cette période (Cass. Soc., 16 octobre 1985 n°  82-42.578 S ; 28 mars 1989 n° 86-42.046 P RJS 5/89 n° 412).

 

Cette distinction étant établie, le nouvel employeur est tenu de payer toutes les créances salariales et ce même lorsqu’elles se rapportent à une période où il n’était pas encore l’employeur.

Qu’en est-il des dettes nées d’une requalification en contrat de travail ? Telle était la question qu’a dû en l’espèce trancher la Cour de cassation.

En l’espèce, un chirurgien avait réalisé pendant plusieurs années des expertises au profit d’une société spécialisée dans l’assistance aux victimes d’accident de la route. Le 1er janvier 2008, le fonds de commerce de cette société avait été cédé au profit d’un nouvel acquéreur. Conformément à l’article L. 1224-1 du Code du travail, l’ensemble des contrats de travail avait automatiquement été transféré.

Le chirurgien, se prévalant d’un contrat de travail a saisi la juridiction prud’homale le 3 mai 2011 de demandes dirigées contre le cédant et contre le cessionnaire.

Retenant l’existence d’un lien de subordination à l’égard de ces sociétés, la Cour d’appel, par arrêt du 6 septembre 2013, statuant sur contredit, a déclaré le Conseil de prud’hommes compétent pour connaître du litige. En parallèle, les deux sociétés étaient condamnées in solidum au paiement des sommes dues à titre de rappel de salaires et d’indemnité de congés payés afférents.

Considérant avoir été libérée de ses dettes du fait du transfert, la société cédante refuse d’être tenue pour partie au versement de ces sommes et forme dès lors un pourvoi en cassation.

Le 27 mai 2020, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel en ce qu’il a condamné in solidum les deux sociétés au paiement des sommes induites par la requalification en contrat de travail : « sauf collusion frauduleuse entre les employeurs successifs, seul le nouvel employeur est tenu envers le salarié aux obligations et au paiement des créances résultant de la poursuite du contrat de travail après le transfert » (Cass. Soc., 27 mai 2020, n° 19-12.471).

Selon la Cour de cassation, le nouvel employeur était le débiteur exclusif des salaires et indemnités de congés payés échus postérieurement à la date du transfert du contrat de travail, le cédant ne pouvant être condamné à garantir partiellement le nouvel employeur pour le paiement de ces sommes. Dans un arrêt relatif à la requalification du contrat de travail, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence selon laquelle il appartient au repreneur de prendre en charge le salaire, les primes ou encore l’indemnité de congés payés (Cass. Soc., 6 février 1996, n° 92-45.013) ou encore les dommages et intérêts à raison des manquements du cédant aux obligations du contrat de travail (Cass. Soc., 14 mai 2008, n° 07-42.341).