le 14/02/2018

La transaction lors d’une instance en responsabilité pour insuffisance d’actif et la nécessité ou non de solliciter l’autorisation du juge-commissaire

Cass., com., 8 mars 2017, n° 15-16.005

L’article L. 651-2 du Code de commerce introduit la possibilité pour le tribunal, en cas de liquidation judiciaire, de rendre une décision à l’encontre du dirigeant afin de la condamner à supporter tout ou partie de cette insuffisance d’actif.

Ainsi, la responsabilité d’un dirigeant peut être recherchée pour insuffisance d’actifs lorsque les conditions suivantes sont réunies ;

  • démontrer l’existence d’une « faute de gestion » ;
  • démontrer l’existence d’un préjudice, qui est constitué par l’« insuffisance d’actif » ;
  • prouver le lien de causalité entre ces deux éléments : la faute doit avoir « contribué » à l’insuffisance d’actif.

Les dirigeants pouvant être concernés par cette action sont :

  • les dirigeants de droit (gérant, président et membres du conseil d’administration, président et membres du directoire, directeurs généraux adjoints, mais pas les membres du conseil de surveillance) ;
  • les dirigeants de fait de la personne morale (personne qui accomplit les mêmes actes de gestion que le dirigeant de droit sans être investie de ses fonctions), ainsi que les personnes physiques représentants permanents de ces dirigeants personnes morales (article L. 651-1 du code de commerce).

Cette action est introduite par voie d’assignation à l’encontre du dirigeant par le mandataire liquidateur ou par citation à comparaître à l’initiative du ministère public.

Cette action n’est pas ouverte aux créanciers.

Souvent, il arrive que le dirigeant à l’encontre duquel est envisagé ce type de sanctions saisisse le mandataire liquidateur ou le ministère public aux fins de transiger plutôt que de risquer de se voir condamner.

La Cour de cassation a confirmé à plusieurs reprises la validité de cette transaction en précisant dans un arrêt récent (Cass. com., 8 mars 2017, n° 15-16.005, F-P+B+I, Emmanuel X. c/ Julien Y. et a. : JurisData n° 2017-003958 ; JCP E 2017, 1242) que « l’insuffisance d’actif ne peut être mise, en tout ou partie, à la charge d’un dirigeant qu’à la suite d’une assignation de celui-ci à cette fin et seulement par une décision de condamnation ou, avant l’intervention d’une telle décision, par une transaction ».

Dans cet arrêt, la Cour a strictement encadré le temps dans lequel la transaction peut être effectuée, à savoir après l’assignation et avant le prononcé du jugement.

Dérogeant au droit commun de la transaction, la transaction envisagée déroge aussi au régime spécial de la transaction du titre IV du livre VI du Code de commerce, laquelle, en liquidation judiciaire, ne prévoit pas davantage la condition temporelle élaborée par la Cour de cassation.

En effet, aucun texte ne précise les modalités de la transaction dans le cadre de la sanction patrimoniale ; de ce fait, il existe un vide juridique quant aux modalités de conclusion de cette transaction.

Néanmoins, les règles régissant la conclusion de protocoles transactionnels prévoient l’obligation de solliciter l’autorisation du juge-commissaire (article L. 642-24 du Code de commerce).

Or, ce texte ne vise pas expressément le cas d’espèce, de sorte qu’il existe un vide juridique entourant l’obligation ou non de l’autorisation de la transaction par le juge-commissaire dans le cadre d’une instance pour insuffisance d’actif.

Nous pouvons légitimement nous questionner à propos de l’intérêt d’une telle autorisation dans le cadre de telles instances dans la mesure où la transaction est un contrat passé entre le liquidateur, ès qualités de représentant des créanciers, demandeur à l’instance, et le dirigeant, défendeur à l’instance et que l’homologation par le tribunal, dont la nécessité n’est pas juridiquement démontrée à ce stade, donne force exécutoire au protocole d’accord.

Pour autant, et tant que le législateur n’aura pas modifié les textes, il semble nécessaire d’obtenir l’autorisation du juge-commissaire pour ce type de transaction.