le 25/02/2020

Sursis à statuer du juge judiciaire sur l’action directe contre l’assureur du constructeur lié au maître d’ouvrage par contrat administratif

Cass. Civ., 1ère, 11 décembre 2019, n° 18-25441

Dans un arrêt publié au bulletin, la première chambre civile de la Cour de cassation vient rappeler que le maître d’ouvrage ne peut obtenir la condamnation des assureurs des constructeurs avec lesquels il est lié par contrat administratif, sans que le juge administratif ne se soit au préalable prononcé sur la responsabilité de ces derniers.

Dans cette affaire, la commune de Tuchan avait tenté, à la suite de désordres apparus sur le foyer communal, d’obtenir la condamnation devant le juge judiciaire des constructeurs et de leurs assureurs au paiement d’une provision sur le fondement de l’article 809 alinéa 2 du Code de procédure civile.

La Cour d’appel de Montpellier, après avoir écarté sa compétence pour connaître de la condamnation des constructeurs au motif que ces derniers étaient liés par un contrat administratif, avait condamné leurs assureurs à payer à la commune des sommes provisionnelles au titre de l’indemnisation de désordres d’infiltrations.

La Cour considérait en effet que l’action directe de la victime contre l’assureur relevant de la compétence exclusive du juge judicaire, la commune pouvait obtenir leur condamnation dès lors que le caractère décennal des désordres était établi.

Pour censurer l’arrêt d’appel, et après avoir rappelé le principe selon lequel « un assureur de responsabilité ne peut être tenu d’indemniser le préjudice causé à un tiers par la faute de son assuré que dans la mesure où ce tiers peut se prévaloir, contre l’assuré, d’une créance née de la responsabilité de celui-ci », la Haute juridiction retient que « à défaut de reconnaissance, par les assureurs, de la responsabilité de leurs assurés, il lui incombait de surseoir à statuer jusqu’à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur cette responsabilité ».

Ainsi la Cour de cassation confirme, au visa de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 fructidor de l’an III et de l’article L. 124-3 du Code des assurances, que le juge judiciaire n’a pas compétence pour se prononcer sur la responsabilité de l’assuré lié par contrat administratif au maître d’ouvrage lorsqu’il est saisi de l’action directe de la victime contre son assureur.

Dans un tel cas, il lui appartient ainsi de surseoir à statuer dans l’attente de la décision du juge administratif sur le principe de responsabilité de son assuré.

La Cour rappelle néanmoins qu’il n’y a pas lieu à de surseoir à statuer en cas de reconnaissance par l’assureur de la responsabilité de son assuré.

Si cette reconnaissance doit en principe intervenir de manière volontaire (Civ.1ère, 30 octobre 1984, n°83-13836) ou encore expresse (voir en ce sens, Civ. 2ème, 16 décembre 2010, n° 09-71797), on notera néanmoins que la Cour de cassation ne prend pas soin ici de rappeler la forme qu’elle doit revêtir pour obtenir la condamnation de l’assureur au versement des indemnités.

Les maîtres d’ouvrage prendront cependant garde, de ne pas se précipiter dans cette brèche pour prétendre à une indemnisation plus rapide des désordres et ainsi éviter de supporter le préfinancement des travaux de reprise.