le 18/01/2016

TVA et investissements publics : suppression du mécanisme du transfert du droit à déduction à compter du 1er janvier 2016

Décret n° 2015-1763 du 24 décembre 2015 relatif au transfert du droit à déduction en matière de taxe sur la valeur ajoutée

La procédure de transfert du droit à déduction de la TVA qui permettait, dans des cas limitativement définis, à un utilisateur de biens, dont il n’était pas lui-même propriétaire, de déduire la TVA ayant grevé ces biens est supprimée à compter du 1er janvier 2016.

En effet, afin de se conformer au droit communautaire, le décret n° 2015-1763 du 24 décembre 2015 a supprimé la procédure de transfert du droit à déduction qui était prévue par l’article 210, I de l’annexe II au Code général des impôts (CGI) en faveur des concessionnaires, fermiers et délégataires de service public et des associés de sociétés de construction transparentes.

Cette procédure de transfert permettait notamment la déduction par les concessionnaires, fermiers et délégataires de service public, de la taxe grevant les investissements publics de l’Etat, des collectivités territoriales, de leurs groupements ou de leurs établissements publics qui étaient mis gratuitement à leur disposition afin d’assurer la gestion du service public délégué.

Le transfert du droit à déduction de la TVA était en effet jusqu’ici utilisé par les collectivités et leurs groupements qui réalisaient sous leur maîtrise d’ouvrage ou acquéraient en propre un investissement (un équipement sportif, une salle de concert, un réseau de distribution de chaleur…) et en confiaient son exploitation à un délégataire.

Il leur permettait de récupérer indirectement la TVA qu’ils avaient dû payer du fait de la réalisation ou de l’acquisition de l’équipement.

Sur la base de l’article 210 de l’annexe II au Code général des impôts, la collectivité établissait à l’attention de son délégataire une attestation mentionnant le montant de la taxe qui avait grevé l’investissement.

Ensuite, le délégataire procédait à la déduction de la taxe à partir des recettes tirées de l’exploitation du service et rétrocédait à la collectivité la somme en question, selon des clauses définies par voie contractuelle entre les deux parties.

Mais, cette procédure n’est pas prévue par le droit européen et le 25 septembre 2014, la Commission européenne a exigé de la France qu’elle se mette en conformité.

En réponse, Bercy a préparé un projet de décret que le Comité des finances locales a examiné le 30 septembre dernier et qui a été promulgué le 24 décembre 2015 sous le numéro 2015-1763.

Ce décret a supprimé totalement et définitivement le mécanisme du transfert du droit à déduction de la TVA qui était prévu à l’article 210 de l’annexe II du Code général des impôts.

Toutefois, seuls les contrats nouvellement signés ou renouvelés à compter du 1er janvier 2016 seront obligés de se conformer aux nouvelles règles.

Ainsi, l’équilibre économique des délégations de service public en cours d’exécution sera préservé.

Par ailleurs, comme le relève la notice accompagnant le projet de décret, l’impact du changement de réglementation sera marginal.

En effet, un décret du 20 janvier 2014 (n° 2014-44) était d’ores et déjà venu restreindre le champ de la procédure de transfert du droit à déduction en modifiant l’article 210, I-2-1° de l’annexe II au CGI et en prévoyant que la taxe qui pouvait être transférée dans le cadre du dispositif de transfert du droit à déduction était celle afférente aux investissements publics délégués que la collectivité publique n’utilisait pas pour la réalisation d’opérations ouvrant droit à déduction.

Cette limitation faisait suite à la modification du Bulletin Officiel des Finances Publique intervenue le 1er août 2013 selon laquelle, la redevance d’affermage perçue, dans le cadre de la délégation d’un service public, par une collectivité publique de son délégataire en contrepartie de la mise à disposition à titre onéreux des investissements réalisés par la collectivité devait, à compter du 1er janvier 2014, être soumise à la TVA, à moins que cette redevance soit dérisoire ou symbolique ou qu’elle participe du financement de missions régaliennes assurées par la collectivité, comme la sécurité ou le contrôle de l’équipement géré par le délégataire, auxquels cas la mise à disposition était considérée comme fournie à titre gratuit (BOI-TVA-CHAMP-10-20-10-10 n° 93 : BF 10/13 inf. 795).

Cette règle peut toutefois être écartée pour les contrats en cours au 1er janvier 2014.

En conséquence, désormais, lorsque l’autorité délégante confiera à un délégataire la charge d’exploiter un investissement qu’elle a réalisé sous sa maîtrise d’ouvrage, la redevance versée par le délégataire sera nécessairement assujettie à la TVA. Dès lors, la collectivité exercera une activité économique qui justifiera la récupération de la taxe grevant les dépenses qu’elle aura engagées.

Soulignons que ne sont pas concernés les contrats (même qualifiés de délégations de services publics), telles les régies intéressées, par lesquels le délégataire perçoit la rémunération sur l’usager au nom et pour le compte de la collectivité.

En effet, dans cette hypothèse qui peut notamment correspondre à des contrats de régie intéressée, la collectivité reste l’exploitante du service et seule redevable à ce titre, lorsqu’il y a lieu, de la TVA. Le délégataire est alors considéré, pour l’application de la TVA, comme un prestataire de services de la collectivité dont la rémunération est soumise à la TVA.

Ainsi, dans le cadre des délégations de service public, il conviendra pour les contrats conclus à compter du 1er janvier 2016 et afin d’assurer la récupération de la TVA grevant les dépenses des investissements confiés au délégataire, qu’une redevance soit versée par le délégataire en contrepartie de la mise à disposition des équipements concernés et que le niveau de cette redevance ne puisse être considéré comme symbolique ou dérisoire.

A cet égard, l’appréciation du caractère onéreux d’une activité économique doit être réalisée au cas par cas en fonction des circonstances propres à chaque situation (CJCE 15 janvier 1998 aff. 37/95, Ghent Coal Terminal ; CJCE 29 février 1996 aff. 110/94, Inzo).

Cependant, selon la jurisprudence européenne (CJUE Apple and Pear Development Council, 8 mars 1988 (aff. 102/86)), reprise par la doctrine administrative (BOI-TVA-CHAMP-10-10-10), la soumission à la TVA suppose l’existence d’un lien direct entre le service rendu et la contrevaleur reçue sans pour autant que la rémunération corresponde nécessairement à la valeur économique du service.

Sous réserve de commentaires administratifs sur ce point précis, le fait de prévoir contractuellement le versement d’une redevance en contrepartie de la mise à disposition des équipements concernés, devrait entraîner la soumission à la TVA de cette redevance et corrélativement, la possibilité pour la collectivité de récupérer par la voie fiscale la TVA grevant les dépenses de constructions desdits équipements.

Laëtitia PIGNIER
SELARL Arbor – Tournoud & Associés