le 18/11/2021

Santé et sécurité – Employeurs êtes-vous prêts pour 2022 ?

Loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail

Transposant l’ANI du 9 décembre 2020, la loi du 2 août 2021[1] ayant pour objectif de renforcer la prévention en santé au travail entrera en vigueur le 31 mars 2022.

La loi prévoit de nombreuses dispositions qui ont pour objet de renforcer la prévention en santé au travail et de moderniser les services de prévention et de santé au travail au bénéfice des salariés.

Nous vous proposons un tour d’horizon des nouvelles mesures qui s’appliqueront aux employeurs à compter du 31 mars 2022.

 

1. Formation des membres élus du personnel du CSE ou de la CSSCT

La loi prévoit des dispositions concernant la formation sécurité des élus du CSE et des référents « harcèlement sexuel » et « santé-sécurité ».

Formation santé, sécurité et conditions de travail (« SSCT »)

L’ensemble de la délégation du personnel du CSE, dans toutes les entreprises d’au moins 11 salariés, aura droit à une formation portant sur la santé, la sécurité et les conditions de travail.

  • de 5 jours au minimum lors de son premier mandat ;
  • de 3 jours en cas de renouvellement.

Cette durée étant portée à 5 jours pour les seuls membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) des entreprises d’au moins 300 salariés. Ainsi, les CSSCT créées dans les entreprises et établissements de moins de 300 salariés par accord collectif, ou parce qu’il s’agit d’un établissement à haut risque ou sur demande de l’inspection du travail ne sont pas concernées[2].

Formation obligatoire du référent « santé et sécurité au travail »

Désormais, la formation du référent « santé et sécurité au travail », désigné par l’employeur, qui était auparavant facultative à la demande du salarié devient obligatoire[3].

Financement de la formation SSCT par les opérateurs de compétences (OPCO)

La loi prévoit une possibilité de financement de la formation SSCT par les OPCO pour les élus du CSE dans les entreprises de moins de 50 salariés[4]. Les modalités de cette prise en charge seront fixées par décret en Conseil d’État.

 

2. Renforcement des obligations de l’employeur dans la rédaction du DUERP

Un nouvel article L. 4121-3-1 du Code du travail définit légalement le contenu du Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUERP) et ses modalités de mises à jour, de conservation et de mise à disposition.

Le législateur renforce le caractère central du DUERP dans le mécanisme de prévoyance et de santé au travail. Ce document ayant eu un regain d’intérêt dans la gestion de la crise sanitaire de la COVID-19, répertorie l’ensemble des risques professionnels auxquels sont exposés les travailleurs et assure la traçabilité collective de ces expositions.

La loi complète l’évaluation de ces risques par l’évaluation des risques liés à l’organisation du travail[5].

L’employeur doit transcrire et mettre à jour dans le DUERP les résultats de ces évaluations qui devront déboucher :

  • pour les entreprises d’au moins 50 salariés, sur un programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail. Ce programme doit désormais :
    • fixer la liste détaillée des mesures devant être prises au cours de l’année à venir, qui comprennent les mesures de prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels ainsi que, pour chaque mesure, ses conditions d’exécution, des indicateurs de résultat et l’estimation de son coût ;
    • identifier les ressources de l’entreprise pouvant être mobilisées ;
    • comprendre un calendrier de mise en œuvre.

Ce programme devra être présenté au comité social et économique (CSE) dans le cadre de sa consultation sur la politique sociale ;

  • pour les entreprises de moins de 50 salariés, sur la définition d’actions de prévention des risques et de protection des salariés, qui devront être consignées dans le DUERP et être présentées au CSE, s’il existe.

Le CSE devra être consulté sur le DUERP et sur ses mises à jour.

Le DUERP et ses mises à jour font l’objet d’une procédure obligatoire de dépôt dématérialisé sur un portail numérique, outre une transmission au service de prévention et de santé au travail (SPST) auquel l’entreprise adhère.

Le DUERP doit, par ailleurs, être conservé et mis à disposition pendant au moins 40 ans. Ce délai exorbitant a été justifié lors des débats parlementaires par la volonté d’assurer la traçabilité des expositions face à des pathologies d’origine professionnelle qui peuvent se déclarer de façon différée, comme le mésothéliome dont le temps de latence est évalué à environ 35 ans après l’exposition à des poussières d’amiante.

L’entrée en vigueur de cette procédure de dépôt dématérialisée sera progressive, au 1er juillet 2023 pour les entreprises d’au moins 150 salariés et au 1er juillet 2024 pour les entreprises de moins de 150 salariés.

 

3. Intégration des conditions de travail dans la négociation annuelle sur l’égalité professionnelle et la QVT

La qualité de vie au travail intègre désormais les conditions de travail.

Ainsi, dans toutes les entreprises dotées de section syndicale de syndicats représentatifs, l’employeur devra engager, au moins une fois tous les 4 ans, une négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) au lieu de la simple qualité de vie au travail (QVT)[6].

L’accord dit « d’adaptation » conclu à l’issue de ces négociations devra au moins aborder le thème[7]. Ces dispositions sont d’ordre public.

À défaut d’accord sur le sujet, ou en cas de non-respect de ses stipulations, l’employeur devra engager, chaque année, une négociation sur l’égalité professionnelle femmes/hommes et la qualité de vie et des conditions de travail[8] et non plus de la simple qualité de vie au travail.

Cette négociation annuelle pourra porter sur la qualité des conditions de travail, notamment sur la santé et la sécurité au travail et la prévention des risques professionnels (Code du travail, article L 2242-19-1 nouveau).

 

4. Mise en place du passeport de prévention

Il appartiendra à l’employeur de renseigner dans un « passeport de prévention » les attestations, certificats et diplômes obtenus par le travailleur dans le cadre des formations relatives à la santé et à la sécurité au travail dispensées à son initiative.

Le travailleur pourra également y inscrire les éléments obtenus à l’issue de formations qu’il a suivies de sa propre initiative[9].

Le travailleur pourra autoriser l’employeur à consulter l’ensemble des données contenues dans le passeport de prévention[10].

Les modalités pratiques de mise en place de ce passeport de prévention doivent encore être définies[11].

 

5. Visite médicale de mi-carrière

La loi crée une visite médicale de mi-carrière qui doit être organisée :

  • Soit de manière autonome, au cours de l’année civile du 45e anniversaire du travailleur (sauf si l’accord de branche détermine une autre échéance) ;
  • Soit conjointement avec une autre visite médicale lorsque le travailleur doit être examiné par le médecin du travail dans les deux ans précédant l’échéance précité ;
  • Ou, pour les salariés désinsérés professionnellement et remplissant les conditions fixées par l’accord de branche ou à défaut âgés d’au moins 45 ans, dès le retour à l’emploi.

La visite est réalisée soit par le médecin du travail, soit par un infirmier en santé au travail.[12]

Cet examen médical vise à :

  • établir un état des lieux de l’adéquation entre le poste de travail et l’état de santé du travailleur ;
  • évaluer les risques de « désinsertion professionnelle » ;
  • sensibiliser le travailleur sur les enjeux du vieillissement au travail et sur la prévention des risques professionnels.

Comme après toute vise médicale, le médecin du travail peut proposer des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail[13].

 

5. Création d’un rendez-vous de liaison pour les arrêts longs

La loi instaure un nouveau « rendez-vous de liaison » en cas d’arrêt de travail de longue durée.

Ainsi, le salarié, dont la durée de l’absence au travail justifiée par l’incapacité résultant d’une maladie ou d’un accident, constaté par certificat médical et contre-visite s’il y a lieu, est supérieure à une durée fixée par décret, peut bénéficier, à son initiative ou à celle de son employeur, d’un rendez-vous de liaison avec ce dernier, associant le service de prévention et de santé au travail (SPST).

L’employeur doit informer le salarié qu’il peut solliciter l’organisation de ce rendez-vous.

Celui-ci a pour objet de l’informer qu’il peut bénéficier d’actions de prévention de la désinsertion professionnelle, de l’examen de pré reprise avec le médecin du travail et des mesures d’aménagement du poste et du temps de travail.

Aucune conséquence ne peut être tirée du refus par le salarié de se rendre à ce rendez-vous[14].

 

7. Un suivi post exposition élargi pour les salariés exposés à des risques dangereux

Pour rappel, la visite médicale de fin de carrière instaurée en 2018 est obligatoire pour les travailleurs bénéficiant ou ayant bénéficié d’un suivi individuel renforcé et partant à la retraite à compter du 1er octobre 2021. En effet, le décret permettant l’application de ce dispositif, instauré en 2018, a été publié en août dernier[15].

La loi renforce ce suivi médical en imposant une telle visite dans les meilleurs délais après la cessation de l’exposition des salariés à des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité ou, le cas échéant, avant leur départ en retraite, le déclenchement du suivi post exposition n’étant ainsi plus limité à ce dernier événement[16].

La surveillance post exposition ou post professionnelle doit se faire en lien avec le médecin traitant. La loi ajoute que doit également y être associé le médecin-conseil des organismes de sécurité sociale et que cette surveillance doit tenir compte de la nature du risque, de l’état de santé et de l’âge de la personne concernée[17].

Les modalités d’application seront précisées par décret en Conseil d’État.

 

8. Un rôle de prévention de la désinsertion professionnelle pour le référent handicap

Pour rappel, toute entreprise employant au moins 250 salariés est tenue de désigner un référent chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les personnes en situation de handicap[18].

La loi du 2 août 2021 permet à ce référent d’intervenir en matière de prévention de la désinsertion professionnelle des personnes en situation de handicap.

Il participera en effet :

  • au rendez-vous de liaison entre le salarié en arrêt de travail et l’employeur, associant les SPST et visant à informer le salarié de son droit à bénéficier d’actions de prévention de la désinsertion professionnelle ;
  • aux échanges visant à proposer des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste ou des mesures d’aménagement du temps de travail consécutives à la visite de mi-carrière.

Deux conditions sont toutefois posées :

  • cette participation aura lieu à la demande du travailleur concerné ;
  • le référent sera tenu à une obligation de discrétion à l’égard des informations à caractère personnel qu’il est amené à connaître[19].

 

9. Définition du harcèlement sexuel au travail alignée sur le Code pénal

La définition du harcèlement sexuel par le Code du travail est alignée sur celle du Code pénal.

En effet, celui-ci a été modifié en dernier lieu en 2018 pour y intégrer les propos et comportements à connotation sexiste. Ce dispositif est ainsi repris en droit du travail.

Le harcèlement sexuel pourra aussi être constitué :

  • lorsqu’un même salarié subit de tels propos ou comportements venant de plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ;
  • lorsqu’un même salarié subit de tels propos ou comportements, successivement, venant de plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition[20].

 

 

[1] LOI n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail : JO 3

[2] Article L. 2315-18 du Code du travail (version en vigueur à partir du 31 mars 2022)

[3] Article L. 4644-1 du Code du travail (version en vigueur à partir du 31 mars 2022)

[4] Article L. 2315-22-1 du Code du travail (version en vigueur à partir du 31 mars 2022)

[5] Article L. 4121-3, al. 1 du Code du travail (version en vigueur à partir du 31 mars 2022)

[6] Article L.2242-1 du Code du travail (version en vigueur à partir du 31 mars 2022)

[7] Article L. 2242-11 du Code du travail

[8] Article L. 2242-13 du Code du travail (version en vigueur à partir du 31 mars 2022)

[9] Article. L. 4141-5, al. 1 du Code du travail (en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er oct. 2022) 

[10] Article. L. 4141-5, al. 2 du Code du travail (en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er oct. 2022) 

[11] Article. L. 4141-5, al. 5 du Code du travail (version en vigueur à partir du 31 mars 2022)

[12] Article L. 4624-2-2 du Code du travail (version en vigueur à partir du 31 mars 2022)

[13] Article L. 4624-2-2 du Code du travail (version en vigueur à partir du 31 mars 2022)

[14] Article L. 1226-1-3 du Code du travail (version en vigueur à partir du 31 mars 2022)

[15] Décret 2021-1065 du 9 août 2021 : JO 11

[16] Article L. 4624-2-1, al. 1 du Code du travail (version en vigueur à partir du 31 mars 2022)

[17] Article L. 4624-2-1, al. 2 du Code du travail (version en vigueur à partir du 31 mars 2022)

[18] Article L. 5213-6-1 du Code du travail

[19] Article L. 5213-6-1 du Code du travail (version en vigueur à partir du 31 mars 2022)

[20] Article L. 1153-1 du Code du travail (version en vigueur à partir du 31 mars 2022)