le 12/02/2015

Responsabilité pénale des personnes morales et délégation de pouvoir

Cass. Crim., 27 mai 2014, n° 13-82.148

Par une décision en date du 27 mai 2014, la Chambre criminelle de la Cour de Cassation retient qu’un simple salarié même dépourvu de délégation de pouvoir formelle peut être considéré comme représentant de son employeur personne morale et engager sa responsabilité pénale du fait d’actes accomplis dans le cadre de ses fonctions.

Au cas d’espèce, un mineur placé dans un centre dépendant du Comité Mosellan de sauvegarde de l’enfance, de l’adolescence et des adultes (CMSEA) avait été victime d’une noyade pendant une sortie organisée et encadrée par une éducatrice, salariée de cette association. Poursuivie du chef du délit d’homicide involontaire, l’association, personne morale, était condamnée par le Tribunal correctionnel au paiement d’une amende de 10.000 euros tandis que l’éducatrice était relaxée.

La Cour d’appel confirmait la décision prononcée par les juges de première instance.

La Chambre criminelle de la Cour de Cassation fait de même et rejette le pourvoi en adoptant la motivation de la Cour d’appel qui avait retenue que les fautes simples commises engageaient la responsabilité pénale de l’association dont la salariée devrait être considérée comme une représentante.
Cette salariée ne pouvait pourtant être considérée comme organe de l’association, qualité requise par l’article 121-2 du Code pénal pour retenir la responsabilité d’une personne morale, et elle ne disposait pas formellement d’une délégation de pouvoir qui, en l’état de la jurisprudence d’alors, aurait pu lui conférer la qualité de représentant.

La Chambre criminelle assure toutefois la Cour d’appel qui avait considéré que l’éducatrice disposait, au cas d’espèce, des conditions requises pour être considérée comme une représentante de l’association, personne morale, savoir « la compétence liée à sa grande expérience professionnelle, le pouvoir, l’autorité qui lui étaient confiés sur les mineurs […] et les moyens d’agir, eu égard à la délégation très large qui lui était donnée pour adapter les activités sans avoir à rendre compte préalablement ou solliciter une autorisation de modification ».

De fait, il apparaissait que :
– le directeur de l’établissement laissait une large marge d’initiative aux éducateurs pour définir leur programme d’activités – adaptation en fonction des conditions météo, autorisation ou non des baignades, choix du lieu – à charge pour eux de veiller à la sécurité correspondante ;
– le directeur de l’établissement n’assumait pas avec suffisamment de rigueur ses responsabilités propres et déléguait de fait très largement à chacun des éducateurs ses responsabilités quant à l’organisation des activités et aux mesures de sécurité y afférant.

L’attribution de la qualité de représentant à une simple employée de l’association au motif que ses dirigeants étaient totalement absents des décisions relatives à l’organisation et à la sécurisation des activités litigeuses apparait pour le moins surprenante.

La Chambre criminelle aurait en effet pu aboutir à la même solution tout en maintenant sa position jurisprudentielle classique, en constatant une désorganisation fautive du service de l’association imputable à ses dirigeants et impliquant l’engagement de sa responsabilité pénale.