le 15/09/2016

Responsabilité pénale d’une Commune – accident mortel de son employé au cours d’une activité de collecte des déchets –

Cass. crim., 12 juillet 2016, n° 15-81924

Un employé municipal était victime d’un accident mortel alors qu’il était venu décharger, sur un site de transfert des ordures ménagères, les déchets recueillis dans les corbeilles publiques de la Commune.

Le site appartenait à cette dernière qui l’avait mis à la disposition de la Communauté de Communes dont elle était membre, qui en avait elle-même confié l’exploitation à deux sociétés.

L’employé était descendu de son camion en attendant de pouvoir procéder au déchargement et se trouvait à côté d’une pelle mécanique conduite par un salarié de l’une des deux sociétés exploitante.

La tourelle de l’engin avait brutalement pivoté, la victime se trouvant alors coincée entre le contrepoids de l’engin et un pilier en béton jusqu’à son décès.

Le salarié conducteur, les deux sociétés d’exploitation du site, la Commune et la Communauté de Commune étaient renvoyés devant le Tribunal Correctionnel du chef d’homicide involontaire.

Le Tribunal relaxait le salarié conducteur de la pelle mécanique, ainsi que la Communauté de Commune. Il déclarait la Commune, ès qualités de personne morale, pénalement et civilement responsables, ainsi que les deux sociétés d’exploitation. Appel était interjeté tant sur les dispositions pénales que civiles. La Cour d’appel confirmait les dispositions du jugement de premier ressort.

La Commune avait fait plaider la relaxe, notamment en soutenant que l’activité d’apport et de vidage des ordures collectées, deux ou trois fois par semaine sur le site concerné, n’était pas susceptible d’une délégation de service public ; sa responsabilité pénale ne pouvait donc être engagée au regard de l’article 121-2 alinéa 2 du Code pénal, selon lequel « les collectivités territoriales ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans l’exercice d’activités susceptibles de faire l’objet de conventions de délégation de service public » ; la Cour d’appel relevait toutefois qu’« il est manifeste que l’activité de ramassage et décharge des déchets collectés dans les poubelles publiques d’une commune, qui ne relève à l’évidence pas de l’exercice de prérogatives de puissance publique, est parfaitement susceptible de délégation » de sorte que la responsabilité pénale de la Commune pouvait donc être engagée.

Le pourvoi de la Commune maintenait que l’activité concernée n’était pas susceptible de faire l’objet d’une convention de délégation et soutenait, de surcroît, que la Cour se fondait sur un motif inopérant selon lequel l’activité de ramassage et de décharge des déchets communaux ne relevait pas de l’exercice de prérogatives de puissance publique. En retenant ce motif, la Cour d’appel – selon le pourvoi – aurait ainsi commis une erreur de raisonnement juridique (défaut de motif et manque de base légale).

Dans son arrêt du 12 juillet 2016, tout en ne reprenant pas à son compte le critère retenu par la Cour d’appel et tiré de « l’exercice de prérogatives de puissance publique » comme facteur d’engagement de la responsabilité pénale de la Commune, la Cour de cassation vient néanmoins confirmer le caractère délégable – au sens de l’article 121-2 alinéa 2 du Code pénal – de l’activité de ramassage et de décharge des déchets collectés dans les poubelles publiques, puisque celle-ci pouvait faire l’objet d’une convention de délégation de service public.

Précisons que la notion de convention de délégation définie par la Chambre criminelle (Crim., 6 avril 2004 : Bull. crim. 2004, n° 89 ; AJP 2004, p. 240) rejoint la définition légale figurant à l’article L. 1411-1 du Code général des collectivités territoriales.

Cette activité de collecte des déchets rejoint ainsi les autres activités dont la Cour de Cassation avait déjà reconnu le caractère de délégabilité par voie de convention, dont notamment la gestion d’un établissement culturel (Crim., 3 avril 2002, Bull. crim. 2002, n° 77 : gestion d’un théâtre municipal), la gestion et l’entretien d’un parc (Crim., 7 sept. 2010, n° 10-82.119), l’exploitation du service des transports scolaires mais pas son organisation (Crim., 6 avril 2004, Bull. crim. 2004, n° 89), la gestion d’un abattoir (Crim., 23 mai 2000, n° 99-80.008), l’exploitation du domaine skiable (Crim., 9 nov. 1999, Bull. crim. 1999, n° 252).

On notera également que la Cour d’appel, comme beaucoup de Juges du fond, avait rejoint cette partie de la Doctrine qui estime que la seule raison valable d’exclure la responsabilité pénale des personnes de droit public réside dans le fait qu’elles exercent, dans certaines de leurs activités, des prérogatives de puissance publique et que c’est donc ce critère qui devrait être retenu plutôt que celui de la délégation de service public par voie de convention, les deux ne se confondant pas. Une telle position semble demeurer, en tout état de cause, contraire à la loi.

En dernier lieu, la Cour de cassation fait application du principe selon lequel, en vertu de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III, et « sauf disposition contraire, les tribunaux judiciaires ne sont pas compétents pour réparer les conséquences dommageables d’une faute engageant la responsabilité d’une personne morale de droit public à l’occasion de la gestion d’un service public administratif ». La Cour d’appel ne pouvait donc, à bon droit, mettre à la charge de la Commune des dommages et intérêts à la famille du défunt ; la cassation est dès lors encourue pour et sur ce seul motif.