le 18/01/2018

Responsabilité délictuelle pour faute des personnes publique du fait de leurs promesses non tenues

CE, 6 décembre 2017, n° 400406

Dans une décision en date du 6 décembre 2017, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur un arrêt du 1er avril 2016 par lequel la Cour administrative d’appel de Marseille a reconnu la responsabilité délictuelle pour faute du Département du Gard du fait d’une promesse non tenue à l’égard d’une société (n° 14MA03826).

Dans cette affaire, le Département avait, à la suite d’un appel à projets aux fins d’acquisition d’un immeuble de son patrimoine en vue de réaliser un ensemble immobilier comprenant notamment des logements sociaux, attribué le marché à la Société Méridionale du Bâtiment (SMB). Le Département avait alors incité la Société à déposer une demande de permis de construire, et ce « sans attendre la signature du compromis de vente qui ne pourra intervenir qu’après déclassement de l’immeuble du domaine public », ni même celle du marché attribué. La Société avait, dans ces conditions, procédé aux dépôts des demandes, après avoir effectué plusieurs études préalables. Le Département avait finalement renoncé à son projet.

La SMB a alors sollicité une indemnisation, sur le fondement de la responsabilité délictuelle pour faute du Département, pour les frais d’études engagés et le manque à gagner et, à titre subsidiaire, sur le fondement de l’enrichissement sans cause.

La Cour administrative d’appel de Marseille a, dans son arrêt du 1er avril 2016, reconnu la responsabilité délictuelle pour faute du Département, lequel avait incité « fermement » la Société à exécuter des prestations relatives à la réalisation des études préalables au dépôt de demandes d’autorisation d’urbanisme et au dépôt de ces demandes, « en promettant – par ailleurs de façon formelle – la signature du contrat » dans le cadre duquel ces prestations auraient dû être rémunérées, et ce alors qu’aucun contrat n’avait été préalablement signé.

Elle a, par conséquent, condamné le Département à indemniser la Société des divers frais d’études que cette dernière avait engagés.

Elle a, en revanche, écarté le préjudice pris du manque à gagner, au motif que l’information de l’attributaire de l’acceptation d’une offre ne crée aucun droit à la signature du marché, et rejeté les conclusions aux fins d’indemnisation sur le fondement de l’enrichissement sans cause, l’enrichissement du Département n’ayant pas été démontré.

Saisi d’un pourvoi à l’encontre de cet arrêt, le Conseil d’Etat a implicitement validé le raisonnement de la Cour administrative d’appel. En effet, s’il a annulé l’arrêt attaqué et renvoyé l’affaire devant la Cour, c’est seulement en raison d’une contradiction entre les motifs et le dispositif de celui-ci. Il n’a pas remis en cause la solution retenue par les juges d’appel, confirmant ainsi la possibilité de mettre en cause la responsabilité d’une personne publique du fait de ses promesses non tenues.

Un autre exemple récent de mise en œuvre de cette responsabilité est donné par un arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille du 23 mai 2017 (CAA Marseille, 23 mai 2017, SARL Electribent, n° 15MA05017).

Il en résulte que les collectivités territoriales doivent être prudentes dans les promesses qu’elles peuvent faire, à des administrés comme à des cocontractants. Cette jurisprudence peut néanmoins également être utilisée à leur profit, dans le cadre de contentieux les opposant à l’Etat, ou à d’autres personnes publiques.