le 14/05/2020

Responsabilité décennale et nuisances sonores

CAA Bordeaux, 10 mars 2020, n° 17BX03727

Cette décision revient sur l’appréciation de la nature décennale de désordres affectant un ouvrage et consistant en des nuisances sonores. 

Rappelons que la notion d’impropriété à destination d’un ouvrage, de nature à engager la responsabilité des constructeurs, n’est pas limitée aux cas où l’ouvrage est inutilisable mais comprend également les cas où il ne peut pas être utilisé dans des conditions normales.  

En outre, cette impropriété s’apprécie par référence à la destination de l’ouvrage, telle qu’elle a été convenue entre les parties (salle de spectacle par exemple). Il est donc nécessaire de tenir compte de l’utilisation normale attendue de l’ouvrage, lequel peut par nature être créateur de bruit.    

Ainsi, la jurisprudence a déjà pu retenir une impropriété à destination d’une salle des fêtes en raison des nuisances causées aux riverains du fait d’un défaut de conception et d’exécution des travaux empêchant le fonctionnement normal de l’ouvrage (CE, 9 mai 2012, n°346757). En effet, les conséquences négatives excédaient ce que les parties pouvaient raisonnablement prévoir et attendre au regard de l’objet du contrat.   

Dans notre espèce, les nuisances sonores concernaient tant les utilisateurs du pôle musical que les riverains de l’ouvrage, et le maître d’ouvrage soutenait notamment que les objectifs acoustiques des travaux devaient permettre l’utilisation de plusieurs salles de musique de manière concomitante.  

La Cour écarte pourtant la nature décennale des désordres en raison du caractère localisé et de la faible ampleur des nuisances affectant les utilisateurs :   

« Selon cet expert,  » l’impossibilité d’utiliser les salles comme le maître de l’ouvrage l’espérait est partielle dans le temps et dans l’espace dans la mesure où seules les deux salles situées contre le mur mitoyen sont affectées uniquement lors des répétitions de l’orchestre local pour l’une et lors des répétitions de musique amplifiée pour l’autre « , ayant lieu deux ou trois soirs par semaine, sans toutefois remettre en cause l’utilisation normale des autres salles de musique du pôle musical, consacrées, conformément au programme du maître d’ouvrage ».  

Enfin, s’agissant des nuisances aux riverains, la Cour écarte également la responsabilité décennale du groupement de maîtrise d’œuvre, considérant que les salles de répétition peuvent être utilisées conformément à leur destination, « à condition d’utiliser un appareil permettant de limiter le niveau sonore des répétitions », et qu’il n’est pas démontré que les nuisances sonores excèdent les prescriptions applicables au type d’ouvrage en cause.