Droit de la construction et assurances
le 08/02/2022
Axelle LASSERREAxelle LASSERRE

Responsabilité décennale des constructeurs et erreur d’implantation d’un ouvrage

CAA Marseille, 29 novembre 2021, n° 20MA00361

Cette décision revient sur la qualification d’une erreur d’implantation d’un bassin de rétention, empiétant sur une emprise foncière voisine (une autoroute au cas présent), en désordre de nature décennale, dès lors que cela rend l’ouvrage impropre à sa destination.

Dans cette affaire, un maître d’ouvrage recherchait la responsabilité décennale d’une part de la société qu’il avait mandatée pour réaliser une mission d’étude préalable à la création d’une zone d’activité et d’autre part du géomètre expert missionné aux fins de vérifier le calage topographique de la zone.

En effet, en raison d’une erreur d’implantation, le maître d’ouvrage avait dû régulariser, par le biais d’un protocole, l’emprise irrégulière constatée sur l’autoroute par une cession d’une fraction de la parcelle voisine.

Cette erreur avait par ailleurs entraîné des coûts importants liés à des travaux de recalibrage et d’enrochement du bassin de rétention rendus nécessaires pour permettre l’élargissement de l’autoroute en dépit de cette mauvaise implantation.

Le maître d’ouvrage, une communauté de communes aux droits de laquelle était ensuite venue une communauté d’agglomération en l’espèce, avait ainsi sollicité l’indemnisation de ses préjudices.

En première instance, le Tribunal administratif de Toulon avait condamné solidairement les sociétés à payer à la communauté d’agglomération une somme de 104.319,32 euros. Un appel avait alors été formé par le géomètre-expert.

La Cour confirme la responsabilité de l’assistant à maître d’ouvrage et du géomètre expert compte tenu de l’erreur d’implantation qui avait été faite.

Ainsi, elle confirme qu’une erreur d’implantation sur la propriété d’un tiers rend l’ouvrage impropre à sa destination et justifie la condamnation in solidum des constructeurs :

« 9. Enfin, contrairement à ce qui est soutenu par M. A… et la société Présents venue aux droits de la SAS Sitétudes, d’une part, il ne résulte pas de l’instruction que l’erreur d’implantation du bassin, au regard de limites séparatives de propriété, était apparente au jour de la réception, alors notamment que le maître de l’ouvrage n’était pas informé, à la date de la réception, de la persistance d’une incertitude sur ce point ; d’autre part, l’erreur d’implantation d’un ouvrage sur la propriété d’un tiers rend celui-ci impropre à sa destination, dès lors notamment, comme en l’espèce, que ce tiers entend faire valoir ses droits sur sa propriété, contraignant, par conséquent, le maître de l’ouvrage à acquérir la parcelle concernée ou à détruire l’ouvrage qui y est irrégulièrement implanté ».

En ce sens, la juridiction écarte tout caractère apparent du désordre à la réception, lequel n’aurait pas permis d’engager la responsabilité décennale des constructeurs, dès lors que le maître d’ouvrage n’était pas au courant de la persistance d’une incertitude quant aux limites de propriété.

En outre, la Cour écarte l’argumentation du géomètre expert qui soutenait ne pas être lié par un contrat de louage d’ouvrage et ainsi ne pas pouvoir se voir appliquer les dispositions de l’article 1792 du Code de la construction et de l’habitation.

Il est intéressant de relever que, devant les juridictions judiciaires également, une erreur d’implantation, impliquant en particulier un risque de perte de l’ouvrage, peut parfaitement caractériser un désordre de nature décennale (Cass. Civ., 3ème civ., 18 mars 2021, n° 19-21078).