le 17/07/2017

Le remplacement des conseillers communautaires élus en application des dispositions du 1° de l’article L. 5211-6-2 du CGCT n’est pas possible sur le fondement de l’article L. 2121-33 du même code

CE, 26 avril 2017, n° 401144

Le Conseil d’Etat a récemment jugé que les dispositions de l’article L. 2121-33 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), en vertu desquelles le conseil municipal peut procéder « à tout moment » au remplacement des membres qu’il a désignés pour siéger dans des organismes extérieurs, ne sauraient trouver application à l’égard des conseillers communautaires élus en application des dispositions du 1° de l’article L. 5211-6-2 du même Code (CE, 26 avril 2017, n° 401144).

A cet égard, il y a lieu de rappeler que, si désormais les conseillers communautaires ne sont plus, en principe, désignés par le conseil municipal (1), des hypothèses demeurent dans lesquelles c’est bien ce dernier qui élit les membres du conseil communautaire de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre auquel la commune appartient.

L’article L. 5211-6-2 du CGCT envisage en effet les hypothèses dans lesquelles, entre deux renouvellements généraux des conseils municipaux, il y a lieu de déterminer les membres du conseil communautaire (en cas de création d’un EPCI à fiscalité propre, de fusion entre plusieurs EPCI dont l’un au moins est à fiscalité propre ou d’extension du périmètre d’un tel EPCI par exemple). Dans ces cas-là, sauf à ce que le nombre de sièges attribués à la commune soit égal au nombre de sièges antérieurement attribués et à ce que les conseillers communautaires déjà élus l’aient été à l’occasion du dernier renouvellement général des conseils municipaux, c’est le conseil municipal qui les élit, selon les modalités fixées par ces mêmes dispositions.

La question qui se posait au Conseil d’Etat, dans l’affaire qui a donné lieu à la décision susmentionnée, était celle de savoir si, lorsque les conseillers communautaires ont été élus par le conseil municipal, sur le fondement de l’article L. 5211-6-2 du CGCT, le même conseil municipal peut décider de remplacer les personnes qu’il a désignées, comme le prévoit l’article L. 2121-33 du CGCT en ce qui concerne les désignations dans les organismes extérieurs.

Cet article dispose, plus précisément, que :

« Le conseil municipal procède à la désignation de ses membres ou de délégués pour siéger au sein d’organismes extérieurs dans les cas et conditions prévus par les dispositions du présent code et des textes régissant ces organismes. La fixation par les dispositions précitées de la durée des fonctions assignées à ces membres ou délégués ne fait pas obstacle à ce qu’il puisse être procédé à tout moment, et pour le reste de cette durée, à leur remplacement par une nouvelle désignation opérée dans les mêmes formes ».

Il convient de relever que, dans l’état du droit antérieur à la réforme opérée par la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, c’est-à-dire lorsque les délégués communaux des EPCI étaient élus par le conseil municipal sur le fondement de l’article L. 5211-7 du CGCT, le Conseil d’Etat avait déjà eu l’occasion de juger que ces délégués pouvaient être remplacés par le conseil municipal, en application de l’article L. 2121-33 du CGCT (CE, 23 mars 2012, n° 335984).

Dans sa décision du 26 avril 2017, il a jugé l’inverse en considérant que ces dernières dispositions « ne sauraient trouver application à l’égard des conseillers communautaires élus en application des dispositions […] du 1° de l’article L. 5211-6-2 » du CGCT.

Ainsi, hors cas de démission ou d’inéligibilité (ou de toute autre hypothèse de vacance), le conseil municipal ne peut procéder au remplacement d’un conseiller communautaire.

Pour comprendre ce revirement de jurisprudence, il convient d’examiner plus en détail l’article L. 5211-6-2 du CGCT qui distingue, pour les communes de 1.000 habitants et plus (2), trois hypothèses :

« a) Si le nombre de sièges attribués à la commune est supérieur ou égal au nombre de conseillers communautaires élus à l’occasion du précédent renouvellement général du conseil municipal, les conseillers communautaires précédemment élus font partie du nouvel organe délibérant ; le cas échéant, les sièges supplémentaires sont pourvus par élection dans les conditions prévues au b ;

b) S’il n’a pas été procédé à l’élection de conseillers communautaires lors du précédent renouvellement général du conseil municipal ou s’il est nécessaire de pourvoir des sièges supplémentaires, les conseillers concernés sont élus par le conseil municipal parmi ses membres et, le cas échéant, parmi les conseillers d’arrondissement au scrutin de liste à un tour, sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l’ordre de présentation, chaque liste étant composée alternativement d’un candidat de chaque sexe. La répartition des sièges entre les listes est opérée à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. Si le nombre de candidats figurant sur une liste est inférieur au nombre de sièges qui lui reviennent, le ou les sièges non pourvus sont attribués à la ou aux plus fortes moyennes suivantes ;

c) Si le nombre de sièges attribués à la commune est inférieur au nombre de conseillers communautaires élus à l’occasion du précédent renouvellement général du conseil municipal, les membres du nouvel organe délibérant sont élus par le conseil municipal parmi les conseillers communautaires sortants au scrutin de liste à un tour, sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l’ordre de présentation. La répartition des sièges entre les listes est opérée à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. Si le nombre de candidats figurant sur une liste est inférieur au nombre de sièges qui lui reviennent, le ou les sièges non pourvus sont attribués à la ou aux plus fortes moyennes suivantes.»

Dans le dernier cas envisagé par ces dispositions, à savoir lorsque le nombre de sièges attribués à la commune est inférieur au nombre de conseillers communautaires élus à l’occasion du précédent renouvellement général du conseil municipal, il est logique de ne pas pouvoir procéder au remplacement des conseillers communautaires désignés par le conseil municipal, dans la mesure où celui-ci a procédé à leur élection parmi les conseillers communautaires sortants.

Or ces derniers ont été élus au suffrage universel direct, en application de l’article L. 273-6 du Code électoral. Et l’article L. 273-3 du même code, cité par le Conseil d’Etat, précise que :

« Les conseillers communautaires sont élus pour la même durée que les conseillers municipaux de la commune qu’ils représentent et renouvelés intégralement à la même date que ceux-ci, dans les conditions prévues à l’article L. 227 ».

De sorte que le conseil municipal ne dispose d’aucune légitimité pour remettre en cause leur mandat.

La solution apparaît moins logique dans les autres cas envisagés par l’article L. 5211-6-2 du CGCT, dès lors que les conseillers communautaires désignés par le conseil municipal ne disposaient pas, au préalable, d’un mandat acquis au suffrage universel direct. On aurait pu alors considérer que le conseil municipal puisse remplacer les conseillers qu’il avait antérieurement élus.

Elle présente néanmoins l’avantage de la simplicité, le choix du Conseil d’Etat permettant d’uniformiser les règles applicables à ces différents cas.

En somme, si la décision est partiellement critiquable sur le fond, la règle qu’elle dégage a l’avantage de la clarté. Il reste que les marges de manœuvre du conseil municipal s’en trouvent de ce fait réduites.

(1) Depuis la réforme opérée par la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral, les conseillers communautaires représentant les communes de moins de 1 000 habitants au sein des organes délibérants des EPCI à fiscalité propre sont les membres du conseil municipal désignés dans l’ordre du tableau (article L. 273-11 du Code électoral), ceux représentant les communes de 1 000 habitants et plus sont élus en même temps que les conseillers municipaux et figurent sur la liste des candidats au conseil municipal (article L. 273-6 du Code électoral). Les conseillers communautaires ne sont dès lors plus élus par le conseil communautaire sur la base de l’article L. 5211-7 du CGCT.

(2) S’agissant des communes de moins de 1 000 habitants, la désignation des conseillers communautaires se fait en application de l’article L. 273-12 du Code électoral, en application duquel : « En cas de cessation du mandat d’un conseiller communautaire, il est remplacé par le premier membre du conseil municipal n’exerçant pas de mandat de conseiller communautaire qui le suit dans l’ordre du tableau établi à la date où la vacance de son siège devient définitive ».