le 29/08/2019

Rejet par le Conseil d’Etat d’une demande de question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme (pouvoir de régularisation des autorisations d’urbanisme en cours d’instance)

CE, 24 juillet 2019, n° 430473

Dans le cadre d’un recours en annulation introduit contre un permis de construire et un permis d’aménager, le requérant a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). C’est ainsi que le Tribunal administratif a renvoyé celle-ci devant le Conseil d’Etat avant de statuer au fond.

Par la décision commentée, le Conseil d’Etat a rejeté cette QPC.

En l’espèce, le syndicat requérant soutenait l’inconstitutionnalité de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme. Pour mémoire, cet article, introduit par l’ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 et dernièrement modifié par la loi ELAN du 23 novembre 2018, permet au juge administratif, saisi d’une demande d’annulation d’une autorisation d’urbanisme (permis de construire, de démolir, d’aménager et décision de non-opposition à déclaration préalable), de surseoir à statuer dans l’attente de la régularisation d’un ou plusieurs vices dont souffrirait l’autorisation.

Ces dispositions, qui ont donc pour effet de réduire de manière importante les annulation pures et simples des permis de construire, sont pour certains auteurs, justiciables, praticiens du droit, critiqués au regard de la préservation du droit au recours effectif.

C’est précisément dans cette lignée que s’est inscrit le syndicat requérant qui soutenait, à l’appui de sa demande de question prioritaire de constitutionnalité, que l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme affectait le droit au recours effectif et le droit de propriété protégés par l’article 16 ainsi que par les articles 2 et 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. Il était également soutenu que cet article contrevenait au principe d’égalité devant la loi, au droit de la défense et au droit à un procès équitable, protégés par la même Déclaration.

Le Conseil d’Etat a jugé que ces critiques ne présentaient pas un caractère sérieux.

Par un arrêt du 12 octobre 2018, le Conseil d’Etat poursuit son œuvre prétorienne de clarification des diverses conséquences qui peuvent s’attacher à l’annulation d’un refus de permis de construire.

Dans la lignée de ses arrêts du 23 février 2017, n° 395274 – le juge, annulant un refus de permis de construire, peut enjoindre le réexamen de la demande -, et de celui du 25 mai 2018, n° 417350 – le juge, annulant un refus de permis de construire, peut enjoindre la délivrance de cette autorisation -, le Conseil d’Etat précise cette fois-ci les conséquences de l’annulation du refus de permis sur le contentieux du permis de construire alors délivré.

Dans cette affaire, une société avait sollicité un permis de construire en vue d’édifier quatre éoliennes et un poste de livraison électrique. Le préfet avait refusé l’octroi de cette autorisation, considérant que ces constructions étaient de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt de plusieurs sites classés ou inscrit. Au regard des pièces qui lui ont été soumises, le Tribunal administratif saisi de cet arrêté de refus a jugé que le préfet avait commis une erreur d’appréciation en estimant qu’était caractérisée une telle atteinte aux divers sites avoisinants. Le refus du préfet a donc été annulé, et en l’absence d’appel il est devenu définitif.

Le préfet a alors délivré l’autorisation sollicitée en vue de l’implantation des éoliennes. Toutefois, cet arrêté de permis de construire a fait l’objet d’un recours en annulation devant le juge administratif. Ce faisant le Tribunal administratif, comme la Cour administrative d’appel, ont annulé le permis de construire. Pour ce faire, la Cour s’est appuyée sur des documents nouveaux (qui n’avaient pas été versés au débat lors du contentieux contre le refus de permis) qui établiraient une covisibilité non négligeable des éoliennes avec plusieurs sites classés alentour. En somme, le projet était exactement le même, mais les documents versés lors de ce second contentieux permettait d’établir plus efficacement la covisibilité traduisant une atteinte au caractère ou à l’intérêt des sites voisins.

Saisi dans le cadre d’un pourvoi de cette affaire, le Conseil d’Etat a cassé l’arrêt de la Cour administrative d’appel. En effet, il a jugé qu’en l’absence d’un quelconque changement qui aurait affecté la réalité de la situation de fait, la Cour ne pouvait ainsi s’affranchir de l’autorité de la chose jugée qui était attachée au jugement devenu définitif annulant le refus de permis de construire.  

En résumé, le Conseil d’Etat juge que lorsque le motif avancé pour refuser un permis de construire a été censuré par le juge administratif, l’autorisation délivrée en conséquence ne peut, en l’absence de modification dans les circonstances de fait ou de droit, être annulée sur ce même motif.