le 12/01/2016

Le nouveau régime des installations classées pour la protection de l’environnement : entre simplification et précisions

Décret n° 2015-1614 du 9 décembre 2015 modifiant et simplifiant le régime des installations classées pour la protection de l'environnement et relatif à la prévention des risques

Le décret n° 2015-1614 du 9 décembre 2015 modifiant et simplifiant le régime des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et relatif à la prévention des risques est paru au Journal Officiel du 11 décembre 2015.

Ses apports sont divers. Il procède à la dématérialisation de la procédure de déclaration des ICPE (I), modifie le régime d’enregistrement de ces installations (II), ainsi que diverses dispositions relatives à la prévention des risques (III).

I.    La dématérialisation de la procédure de déclaration des ICPE

La dématérialisation de la procédure de déclaration des ICPE avait été annoncée par le Gouvernement lors du Comité interministériel pour la modernisation de l’action publique (Cimap) du 2 avril 2013, parmi d’autres mesures destinées à simplifier les démarches administratives des entreprises (décision n° 27).

Il s’agit plus précisément de faciliter les échanges entre entreprises et administrations, de réduire les délais de procédure, mais aussi de permettre la constitution d’une base de données nationale unique des installations classées relevant du régime de la déclaration.

Concrètement, tout exploitant d’une ICPE soumise à déclaration peut, depuis le 1er janvier 2016, déclarer une installation classée par voie électronique (article R. 512-47 du Code de l’environnement). L’arrêté NOR DEVP1530691A du 15 décembre 2015 relatif à la dématérialisation des ICPE, pris sur le fondement du décret commenté, prévoit que cette déclaration se fait sur le site internet https://www.service-public.fr, à l’aide de formulaires CERFA spécialement élaborés pour ce type de procédure et auxquels renvoie le même arrêté.

La preuve de dépôt de la déclaration est elle aussi dématérialisée. Celle-ci est délivrée immédiatement au déclarant (article R. 512-48 du Code de l’environnement) et remplace l’ancien récépissé de déclaration.

Elle est par ailleurs mise à disposition sur le site internet de la préfecture du département où est projetée l’installation, et ce pour une durée minimale de trois ans. Le Maire de la commune où l’installation doit être exploitée et, à Paris, le commissaire de police en reçoit une copie (article R. 512-49 du Code de l’environnement).

La dématérialisation concerne en outre toutes les étapes de l’évolution de l’installation. Sont ainsi portées à la connaissance du Préfet, par voie dématérialisée, les demandes de modification des prescriptions (article R. 512-52), ainsi que les modifications apportées au mode d’exploitation ou au voisinage de l’installation, entraînant un changement notable des éléments du dossier (article R. 512-54), l’arrêt définitif de l’exploitation (article R. 512-66-1) et le changement d’exploitant (R. 512-68). Des formulaires ont également été élaborés pour permettre de procéder à ces demandes et déclarations (arrêté NOR DEVP1530691A précité du 15 décembre 2015 relatif à la dématérialisation des ICPE).

La dématérialisation de la procédure est entrée en vigueur le 1er janvier 2016, mais un aménagement est prévu puisque les différentes déclarations et demandes susmentionnées pourront encore être remises sur support papier, en triple exemplaire, jusqu’au 31 décembre 2020 (article 43 du décret du 9 décembre 2015).

Enfin, le contenu du dossier de déclaration a été simplifié. En effet, il est désormais possible pour le déclarant de fournir, sans avoir à solliciter l’accord du préfet, un plan d’ensemble à l’échelle 1/1000, au lieu de 1/200, pour rendre visible les constructions et terrains avoisinants ainsi que les points d’eau, canaux, cours d’eau et réseaux enterrés situés jusqu’à 35 mètres de l’installation (article R. 512-47 du Code de l’environnement).

II.    La modification du régime d’enregistrement des ICPE

La modification du régime d’enregistrement des ICPE a poursuivi trois objectifs : ajouter, au contenu du dossier de demande d’enregistrement, les éléments exigés par la directive 2014/52/UE du 16 avril 2014 modifiant la directive 2011/92/UE concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement ; simplifier le format du dossier ; améliorer la participation du public.

Pour ce faire, l’article R. 512-46-3 du Code de l’environnement prévoit désormais que le dossier d’enregistrement comprend « une description des incidences notables qu’il est susceptible d’avoir sur l’environnement, en fournissant les informations demandées à l’annexe II. A de la directive 2011/92/ UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement ».

L’annexe II. A de la directive susmentionnée du 13 décembre 2011 a été introduite par la directive 2014/52/UE du 16 avril 2014.

En vertu de celle-ci, le dossier d’enregistrement d’une ICPE devra comprendre une description du projet y compris, en particulier, une description des caractéristiques physiques de l’ensemble du projet et, le cas échéant, des travaux de démolition, ainsi qu’une description de la localisation du projet, en accordant une attention particulière à la sensibilité environnementale des zones géographiques susceptibles d’être affectées ; une description des éléments de l’environnement susceptibles d’être affectés de manière notable par le projet ; une description de tous les effets notables, dans la mesure des informations disponibles sur ces effets, que le projet est susceptible d’avoir sur l’environnement résultant des résidus et des émissions attendus ainsi que de la production de déchets, le cas échéant, et de l’utilisation des ressources naturelles, en particulier le sol, les terres, l’eau et la biodiversité.

Le décret du 9 décembre 2015 abroge en outre le 10° de l’article R. 512-46-4 du Code de l’environnement, qui indique que doit être jointe à la demande d’enregistrement, l’indication, s’il y a lieu, que l’emplacement de l’installation est situé dans un parc national, un parc naturel régional, une réserve naturelle, un parc naturel marin ou un site Natura 2000.

L’article R. 512-46-14 du Code de l’environnement, relatif à l’accès du public au dossier d’enregistrement, a quant à lui été modifié pour prévoir que ce dernier, en plus d’être tenu à disposition du public en mairie du lieu d’implantation du projet, le sera également sur le site internet de la préfecture pendant une durée de quatre semaines.

L’ensemble de ces modifications entrera cependant en vigueur seulement à compter du 16 mai 2017, soit la date limite de transposition de la directive du 16 avril 2014. Plus précisément celles-ci s’appliqueront aux dossiers de demande d’enregistrement déposés à compter de cette date (article 43 du décret du 9 décembre 2015).

On peut s’interroger sur l’intérêt de cette application différée des textes. En effet, si la modification de l’article R. 512-46-3 du Code de l’environnement pouvait nécessiter un temps d’adaptation de la part des pétitionnaires, tel n’est pas le cas des modifications apportées aux articles R. 512-46-4 et R. 512-46-14. Au surplus, il peut être regrettable d’avoir décidé d’attendre cette date, qui correspond à la date limite avant que l’Etat français ne se trouve en situation de défaut de transposition, pour donner un effet à ces dispositions.

III.    La modification de diverses dispositions relatives à la prévention des risques

Le décret du 9 décembre 2015 a procédé à diverses modifications des dispositions du Code de l’environnement en matière de prévention des risques.

Sans que cette liste ne soit exhaustive, on relèvera ainsi que l’article R. 512-4 du Code de l’environnement exige désormais que la demande d’autorisation d’exploitation de carrières et d’installations de stockage de déchets non inertes résultant de la prospection, de l’extraction, du traitement et du stockage de ressources minérales, comprenne le plan de gestion des déchets d’extraction.

En outre, en matière de canalisations de transport de gaz, d’hydrocarbures et de produits chimiques, l’institution d’une servitude d’utilité publique a été restreinte aux seules hypothèses d’ouverture d’un immeuble de grande hauteur (IGH) ou d’un établissement recevant du public (ERP) dans les zones les plus proches de la canalisation, à l’exclusion des cas d’extension de ces immeubles (article R. 555-30 du Code de l’environnement).

Le régime de caducité des permissions d’exploiter une éolienne a également été précisé.

Plus exactement, le décret du 9 décembre 2015 a envisagé le cas des éoliennes entrées dans le classement des ICPE par le biais du bénéfice d’antériorité depuis la loi dite « Grenelle 2 » du 12 juillet 2010 (loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement), en vertu de l’article L. 553-1 du Code de l’environnement.

L’article R. 553-10 du Code de l’environnement indique désormais, de manière assez originale, que, pour ces installations, le délai de mise en service de trois ans court à compter du 1er janvier 2016 ou à compter de la date de notification à son bénéficiaire du permis de construire mentionné à l’article L. 553-1 si celle-ci est postérieure au 1er janvier 2016, ce délai ne devant pas excéder huit ans au total.

Au-delà, l’exploitant perd le bénéfice des droits acquis, c’est-à-dire la possibilité d’exploiter une éolienne sans avoir à accomplir les formalités requises au titre de la police des ICPE.

Le même article organise par ailleurs la publicité de la décision de prorogation du délai de mise en, service.

Enfin le décret du 9 décembre 2015 apporte plusieurs aménagements au nouveau principe selon lequel le silence de l’administration vaut acceptation, pour certaines décisions relatives au domaine de l’énergie et en matière de transport.

Dans ce cadre, il modifie le décret n° 2003-1227 du 16 décembre 2003 relatif à l’habilitation des organismes de contrôle prévus par la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003, relative aux marchés du gaz et de l’électricité et au service public de l’énergie.

Ainsi, désormais, le silence gardé par le Ministre pendant 6 mois sur une demande d’habilitation vaut décision de rejet pour une première demande et décision d’acceptation pour une demande de renouvellement.

Sur ce point, on perçoit mal en quoi le droit est simplifié, étant précisé qu’auparavant, le silence du Ministre pendant quatre mois valait, dans tous les cas, décision de rejet.

Le décret n° 2014-1273 du 30 octobre 2014 relatif aux exceptions à l’application du principe « silence vaut acceptation » a lui aussi été modifié.

Ont été ajoutées deux nouvelles exceptions à ce principe : pour les demandes en matière de transport de marchandises dangereuses par voies de navigation intérieures et par voie maritime.

Ici aussi, on pourra émettre un doute sur l’aspect simplificateur de ces mesures. Néanmoins, au vu de l’objet de ces demandes, il apparait pertinent de déroger au principe « silence vaut acceptation ».

Agathe DELESCLUSE, Avocat à la cour