le 15/04/2021

Refus d’inscription d’un élève à la cantine scolaire par manque de places : le Conseil d’Etat a tranché

CE, 22 mars 2021, Commune de Besançon, n° 429361

Par une décision en date du 22 mars 2021, le Conseil d’Etat a jugé que les collectivités territoriales peuvent légalement refuser d’admettre un élève à la cantine scolaire lorsque la capacité maximale d’accueil du service public est atteinte.

Ce faisant, il a annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nancy qui avait adopté la solution opposée.

Pour rappel, le législateur a, par la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, inséré un article L. 131-13 au sein du Code de l’éducation, aux termes duquel :

« L’inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés. Il ne peut être établi aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille ».

Le Tribunal administratif de Besançon, puis la Cour administrative d’appel de Nancy avaient jugé qu’il résultait de ces dispositions que, dès lors qu’un service de restauration scolaire était institué, la collectivité territoriale était tenue de garantir le droit d’inscription à chaque enfant scolarisé qui en faisait la demande, sans que puisse être opposé le nombre de places disponibles (TA, 7 décembre 2017, n° 1701724 ; CAA Nancy, 5 février 2019, Commune de Besançon, n° 18NC00237).

Cette solution revenait sur la jurisprudence antérieure à la loi du 27 janvier 2017, qui ne s’opposait pas à la possibilité de restreindre les conditions d’accès en raison de capacités d’accueil limitées du service, dans la limite de ne pas instaurer, à cette occasion, un critère discriminatoire entre les élèves, sans lien avec l’objet du service (CE, 25 octobre 2002, Mme Renault, n° 251161 ; 23 octobre 2009, Fédération des conseils de parents d’élèves de l’enseignement public du Rhône, n° 329076). Ainsi, par exemple, la circonstance que les parents d’un enfant sont sans emploi ne peut légalement fonder la limitation de l’accès de cet enfant à la cantine (TA Lyon, 21 janvier 2010, Commune d’Oullins, n° 0903116).

Les juges de première instance et d’appel s’étaient, dans les deux cas, référés aux travaux parlementaires de la loi du 27 janvier 2017. A cet égard, le rapport n° 827 de Mmes les sénatrices Estrosi Sassone et Gatel du 14 septembre 2016 indique que « la proposition de loi instaure une obligation d’accueil de l’ensemble des élèves pour l’autorité responsable de la restauration scolaire » (p. 540).

Le Conseil d’Etat, se fondant également sur les travaux préparatoires de la loi, a estimé que le législateur avait entendu rappeler, d’une part, qu’il appartient aux collectivités territoriales ayant fait le choix d’instituer un service public de restauration scolaire de prendre en compte l’intérêt général qui s’attache à ce que tous les élèves puissent bénéficier de ce service public, d’autre part, qu’elles ne peuvent légalement refuser d’y admettre un élève sur le fondement de considérations contraires au principe d’égalité. Pour autant, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que les collectivités territoriales puissent légalement refuser d’y admettre un élève lorsque, à la date de leur décision, la capacité maximale d’accueil de ce service public est atteinte.

Ainsi le Conseil d’Etat a le mérite d’être pragmatique.

Nous indiquions en effet, dans une précédente LAJ, au sujet du jugement du Tribunal administratif de Besançon susmentionné, que l’interprétation retenue paraissait très éloignée des réalités concrètes auxquelles sont confrontées les communes, qui peuvent souhaiter mettre en place un service de restauration scolaire sans néanmoins avoir les moyens de garantir un accueil de l’ensemble des usagers, et qu’elle risquait fort de dissuader certaines communes de mettre en place un tel service, privant alors tous les enfants d’accès à ce service.

Ces inquiétudes pour les collectivités territoriales n’ont donc plus lieu d’être aujourd’hui.