le 17/02/2016

Réforme du droit des contrats : vers la modernisation et la meilleure adaptabilité du droit des obligations

Face au vieillissement du droit des contrats français et à l’obsolescence du Titre III du Code civil de 1804, il était devenu urgent de le réformer.

En plus de deux cent dix ans, seules deux réformes ont été apportées au Code civil ; lesquelles réformes ne pouvaient prétendre l’avoir préservé des ravages du temps.

L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations est parue au Journal Officiel du 11 février 2016.

Sur le plan formel, le législateur a souhaité renforcer l’accessibilité des dispositions relatives aux obligations, à la preuve et au régime général de l’obligation.

Sur le fond, l’ordonnance vise principalement à codifier à droit constant la jurisprudence rendue ces dernières années et à mettre en œuvre quelques mesures phares.

L’article 1112-1 du Code civil consacre désormais formellement l’obligation précontractuelle d’information.

L’ordonnance introduit le régime juridique de la promesse unilatérale de vente et du pacte de préférence, tout en prévoyant quelques innovations.

Ainsi, l’article 1124, après avoir donné une définition de la promesse unilatérale, prévoit que la levée de l’option emporte formation du contrat en dépit de la révocation de la promesse.

S’agissant du pacte de préférence, l’article 1123 distingue selon que le tiers est de bonne ou de mauvaise foi, et consacre la jurisprudence sur l’option entre nullité du contrat et substitution au tiers de mauvaise foi – outre l’octroi de dommages et intérêts – lorsqu’est violé un pacte de préférence avec un tiers qui en connaissait l’existence et l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir, assurant ainsi de manière plus efficace ce type de contrat.

La réforme consacre la notion de bonne foi à tous les stades de la vie du contrat et protège la partie faible en sanctionnant par la nullité du contrat l’abus de dépendance d’une partie.

Cette réforme reconnait au Juge la légitimité pour exercer une mission de régulateur de la vie sociale.

En effet, le législateur octroie certains pouvoirs au Juge, lequel statuera en équité sous couvert d’une sorte d’habilitation légale.

Ainsi, le Juge pourra intervenir en cas de « coût manifestement déraisonnable » (article 1221), ou encore de « déséquilibre significatif  »(article 1169).

Le Juge pourra ainsi réécrire le contrat

Ce ne sont pas là les seules innovations de ce texte :

– Article 1128 : disparition de la cause du contrat au profit du contenu du contrat ;
– Article 1143 : assimilation de l’abus de faiblesse à la violence, comme vice du consentement ;
– Article 1171 : introduction d’un dispositif de lutte contre les clauses abusives dans les contrats d’adhésion ;
– Article 1183 : création de l’action interrogatoire pour gérer les risques de nullité.

L’autre mesure phare de cette ordonnance se trouve dans les dispositions de l’article 1195 du Code civil, lequel intègre l’imprévision dans le droit des contrats français en ces termes :

« Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation. En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au Juge de procéder à son adaptation. À défaut d’accord dans un délai raisonnable, le Juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe ».

Il peut être désormais dérogé au sacro-saint principe de force obligatoire des contrats de l’ancien article 1134.

L’ordonnance modernise aussi le régime général des obligations en simplifiant la cession de créance et en introduisant la cession de dette (article 1327) et la cession de contrat (article 1216). La novation et la délégation ont été quelque peu aménagées.

Enfin, les dispositions relatives à la preuve ont été réorganisées afin notamment de tenir compte de l’évolution des nouvelles technologies.

Ainsi, la copie fiable, en particulier lorsqu’elle est réalisée sur support électronique a la même force probante que l’original (article 1379).

La date d’entrée en vigueur de ces dispositions a été fixée au 1er octobre 2016.

Les contrats conclus avant cette date demeurent cependant soumis à loi ancienne.

Toutefois, les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l’article 1123 (pacte de préférence) et celles des articles 1158 (représentation) et 1183 (action interrogatoire) sont applicables dès l’entrée en vigueur de ladite ordonnance.

S’agissant des instances introduites avant l’entrée en vigueur de ladite ordonnance, l’action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne.

Le mouvement législatif ne s’arrêtera pas là puisque le Gouvernement a d’ores et déjà annoncé s’atteler prochainement à réformer le droit de la responsabilité civile.