le 24/05/2018

Réflexions sur le statut des dirigeants d’un EPIC

Dans les entreprises privées, les membres du directoire ne sont pas des salariés mais des mandataires sociaux (article 80 ter CGI): ils sont cependant affiliés au régime général de Sécurité sociale (Lettre CNAMTS 8 nov. 1972 : Bull. jur. UCANSS n° 46/72).

Si la situation est claire pour les dirigeants d’entreprises du secteur privé, aucun texte ne fixe le statut général des administrateurs des établissements publics industriels et commerciaux de l’Etat. Or, de ce statut découlent de nombreuses conséquences.

Si quelques textes épars permettent d’ouvrir des pistes de réflexion (loi 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, art. 10 ; décret 94-582 du 12 juillet 1994, art.1 ; décret 2010-1035 du 1er septembre 2010) aucun cependant ne donne de réponse concrète sur ce point.

La jurisprudence du Conseil d’Etat a apporté des précisions sur le statut de certains dirigeants des EPIC de l’Etat en considérant que tant la fonction de président du conseil d’administration que les emplois de direction pouvaient constituer des emplois purement discrétionnaires, dont la nomination comme la révocation sont des prérogatives appartenant « normalement » au Gouvernement (CE, 13 novembre 1952, Jugeau).

Dans ces conditions, ils entrent dans le champ d’application de l’article 25 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, dont le décret d’application n° 85-779 du 24 juillet 1985 fixe la liste des emplois laissés à la décision du Gouvernement.

Si ce dernier texte ne vise pas, au titre de tels emplois, ceux de direction dans les établissements publics de l’État, le juge administratif considère que cette liste n’est pas exhaustive et se réserve ainsi le pouvoir de la compléter au cas par cas (cf. CE 14 mai 1986,  Rochaix)

Lorsqu’un emploi ne figure pas dans la liste réglementaire des emplois supérieurs à la décision du gouvernement, le Conseil d’État se fonde de manière constante sur deux critères (CE 14 mai 1986, n° 60852) : celui des conditions de la nomination, discrétionnaire ; celui de la nature des fonctions, emportant de « vastes responsabilités administratives, dans le cadre notamment d’un établissement public » (CE 27 janvier 2016, n° 3844873).

Deux indices sont ainsi assez défavorables à la reconnaissance d’un emploi purement discrétionnaire : l’existence dans les statuts de l’exigence d’un décret motivé pour mettre fin aux fonctions (CE, ass., 27 oct. 1961, Bréart de Boisanger) et la fixation d’une durée déterminée du mandat (CE, 13 nov. 1952, Jugeau, préc.).

Toutefois, s’agissant de ce dernier critère, il a été jugé que l’autorité de nomination étant libre de mettre fin aux fonctions de dirigeants avant l’expiration de la durée du mandat et pour des motifs tirés de l’intérêt du service, le caractère révocable permettait la qualification d’emploi supérieur à la discrétion du gouvernement (CE, ass., 22 décembre 1989, Morin).

Or, dès lors que tant la nomination que la révocation des dirigeants d’un EPIC de l’Etat sont laissées à la décision du Gouvernement, leurs emplois entrent dans le champ d’application de l’article 25 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ce qui leur confère la qualité d’agent public.

A cet égard, l’article 25 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 prévoit que « l’accès de non-fonctionnaires [aux] emplois [laissés à la discrétion du Gouvernement] n’entraîne pas leur titularisation dans un corps de l’administration ou du service ».

On rappellera en effet que selon une jurisprudence constante, la qualité d’agent public est attribuée au comptable public mais également à l’agent chargé de la direction de l’établissement au sein de l’EPIC (CE, 26 janvier 1923, De Robert-Lafrégeyre ; CE, Sect., 25 janvier 1952, Boglione ; CE, Sect., 8 mars 1957, Jalenques de Labeau).

La question qui se pose est donc celle d’identifier, au sein des EPIC de l’Etat, qui a la qualité d’agent public.

Dans l’hypothèse où il existerait une répartition statutaires des pouvoirs entre un Président et un Directeur général de l’établissement au sein d’un EPIC de l’Etat, deux formes peuvent être envisagées, à savoir :

–       soit les statuts démontrent une volonté de confier le pouvoir au Président de l’établissement, auquel cas ses pouvoirs sont importants (exemple : préparation et exécution des délibérations du conseil d’administration ou de surveillance, autorité sur l’ensemble des services de l’établissement, recrutement et gestion des personnels,  ordonnancement des recettes et des dépenses, signature des contrats, représentation de l’établissement en justice et dans tous les actes de la vie civile, etc.) ;

–       soit les statuts confèrent ces fonctions et donc un rôle plus important au directeur en cantonnant le président dans sa tâche de présidence du conseil d’administration ou de surveillance (exemple : convocation du conseil d’administration, présidence avec voix prépondérante en cas de partage de voix).

En toute hypothèse, cette distinction est particulièrement importante puisqu’elle permet de distinguer les agents exerçant les fonctions de direction au sein des EPIC et ayant ainsi la qualité d’agents publics :

–     dans le premier cas, le président de l’organe délibérant aura la qualité d’agent public mais pas le président du directoire, bien qu’il ait la qualité de directeur ;

–       dans le second cas, le président de l’organe délibérant n’aura pas la qualité d’agent public contrairement au directeur, président du directoire.

Il est observé que selon une pratique récente, l’organisation du pouvoir au sein de certains EPIC récents de l’Etat s’inspire du modèle sociétal « classique » : aux côtés du conseil d’administration (dit conseil de surveillance), est institué un directeur assisté d’un directoire, organe exécutif collégial qui peut, soit simplement assister le directeur dans sa tâche de direction, soit même être titulaire de compétences devant ainsi être exercées collégialement.

Dans ce dernier cas, l’exercice collégial des fonctions de direction au sein d’un EPIC conduit à s’interroger sur la possibilité de reconnaître la qualité d’agents publics à l’ensemble des membres de l’organe concerné et non au seul directeur ou président personne physique.

En tout état de cause, il revient aux EPIC d’identifier en leur sein, les membres des organes d’administration ayant ou non la qualité d’agent public, afin de déterminer notamment, la situation des intéressés au regard des modalités de fin de fonction, du régime applicable d’assurance chômage ou encore des cotisations sociales devant être versées.