le 27/08/2020

Référés contre les contrats de la commande publique de droit privé : leur régime prochainement examiné par le Conseil constitutionnel

Cass. Com., 8 juillet 2020, n° 19-24.270

L’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 définit deux recours en référé pouvant être exercés contre des contrats de droit privé relevant de la commande publique : le référé précontractuel (cf. articles 2 à 8 de l’ordonnance) et le référé contractuel (cf. articles 11 à 20 de l’ordonnance).  

A l’occasion d’un pourvoi dirigé contre une ordonnance de référé rendue le 25 octobre 2019 par le président du Tribunal de grande instance de Rennes, la Cour de cassation a été saisie par le requérant des trois questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) remettant en cause la conformité des dispositions relatives au référé contractuel avec, d’une part, le droit à un recours effectif consacré par l’article 16 de la  Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et, d’autre part, le principe d’égalité devant la loi consacré par l’article 6 de la DDHC. 

Dans le détail, ces trois QPC sont les suivantes :  

  1. Les dispositions de l’article 16 de l’ordonnance sont-elles contraires à l’article 16 de la DDHC consacrant le droit à un recours juridictionnel effectif en ce que cet article prévoit une liste limitative des irrégularités pouvant être invoquées à l’appui d’un référé contractuel ?

     

  2. Les dispositions des articles 11 à 20 de l’ordonnance sont-elles entachées d’incompétence négative dans des conditions de nature à porter atteinte à l’article 16 de la DDHC consacrant le droit à un recours juridictionnel effectif, en ce qu’elles n’instituent pas, au profit des concurrents évincés des contrats privés de la commande publique, une voie de recours leur permettant de contester utilement les irrégularités affectant les procédures de passation ?

     

  3. Les dispositions de l’article 16 de l’ordonnance sont-elles contraires au principe d’égalité devant la loi consacré par l’article 6 de la DDHC en ce qu’elles placent les concurrents des contrats privés de la commande publique dans une situation différente et moins favorable que celle des concurrents des contrats administratifs de la commande publique en matière de contestation des irrégularités affectant les procédures de passation ? 

  

Tout d’abord, la Cour confirme que les dispositions contestées sont, du moins pour partie, applicables au litige et qu’elles n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. 

Ensuite, la Cour relève que dans le cas d’une procédure de mise en concurrence dite adaptée, il n’est pas prévu par la réglementation de délai de stand-still faisant obligation à l’acheteur de suspendre la conclusion du contrat avec le candidat sélectionné pendant un certain délai à compter de la notification de sa décision aux candidats évincés.  

Il s’ensuit, selon la Cour, que ces candidats ne peuvent, en pratique, agir en référé précontractuel et ne peuvent donc introduire qu’une action en contestation de la validité du contrat en application de l’article 11 de l’ordonnance.  

Or, l’article 16 de la même ordonnance énonce un nombre restreint de cas dans lesquels l’annulation du contrat doit être ordonnée : 

  • lorsque aucune des mesures de publicité requises pour sa passation n’a été prise, ou lorsque a été omise une publication au Journal officiel de l’Union européenne dans le cas où une telle publication est prescrite ; 
  • lorsque le contrat a été conclu en méconnaissance des modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d’acquisition dynamique ;  
  • lorsque le contrat a été signé avant l’expiration du délai de stand-still applicable ou pendant l’instruction d’un référé précontractuel, sous réserve que la méconnaissance de ces obligations ait privé le demandeur du droit d’exercer un référé précontractuel et que les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sa passation était soumise ont été méconnues d’une manière affectant les chances de l’auteur du recours d’obtenir le contrat. 

 

La Cour de cassation constate qu’aucune autre disposition ne prévoit de sanction des autres irrégularités qui peuvent affecter la procédure de mise en concurrence et qui, dans certains cas, peuvent constituer des atteintes graves aux principes fondamentaux de la commande publique que sont la liberté d’accès à la commande publique, l’égalité de traitement des candidats et la transparence des procédures. 

A cet égard, elle souligne le contraste avec les candidats à l’attribution de contrats de droit public qui, eux, disposent d’une action en contestation de la validité de ces contrats indépendante du référé contractuel, à savoir le recours Département du Tarn-et-Garonne tel que défini par le Conseil d’Etat (CE, 4 avril 2014, n° 358994).   

La Cour de cassation en conclut que les trois QPC présentent un caractère sérieux et qu’il y a donc lieu de les transmettre au Conseil constitutionnel, lequel devrait rendre sa décision d’ici la fin de l’année 2020.