Urbanisme, aménagement et foncier
le 23/05/2024
Manon ROULETTEManon ROULETTE

Référé suspension : l’urgence demeure malgré l’état d’avancement important du défrichement

CE, 8 avril 2024, req. n° 469526

Par une décision en date du 8 avril 2024, n° 469526, le Conseil d’Etat saisi dans le cadre d’une procédure de référé suspension contre un arrêté préfectoral octroyant une dérogation aux interdictions fixées pour la préservation des espèces protégées permettant le défrichement d’une partie de forêt en montagne, a précisé que l’état d’avancement important des travaux de défrichement n’empêche plus de faire droit aux demandes de suspension.

Dans cette affaire, le préfet de la Haute Savoie avait, par un arrêté du 30 mai 2022, délivré à la société des Remontées mécaniques de Megève une dérogation aux dispositions de l’article L. 411-1 du Code de l’environnement (espèces protégées) dans le cadre du projet de restructuration du domaine de Rochebrune, sur le territoire de la commune de Megève (Haute-Savoie).

Le juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble, constatant l’état très avancé du défrichement autorisé par l’arrêté litigieux, avait, par une ordonnance du 16 novembre 2022, refusé de faire droit à la demande de suspension sollicitée par l’association Biodiversité sous nos pieds. Cette association a alors formé un pourvoi en cassation contre cette ordonnance.

Après avoir rappelé que les dispositions de l’article L. 411-1 du Code de l’environnement comportent un ensemble d’interdictions visant à assurer la conservation d’espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats, le Conseil d’Etat a rappelé que le 4° du I de l’article L. 411-2 du même Code permet à l’autorité administrative de délivrer des dérogations à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant à :

  • l’absence de solution alternative satisfaisante ;
  • à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ;
  • à la justification de la dérogation par l’un des cinq motifs limitativement énumérés, parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d’intérêt public majeur.

Pour déterminer, enfin, si une dérogation peut être accordée, le Conseil d’Etat rappelle qu’il appartient à l’autorité administrative de tenir compte de l’ensemble des aspects mentionnés au point précédent, parmi lesquels figurent les atteintes que le projet est susceptible de porter aux espèces protégées, compte tenu, notamment, des mesures d’évitement, réduction et compensation proposées par le pétitionnaire, et de l’état de conservation des espèces concernées.

Cela étant rappelé, après avoir constaté que 90 % des arbres dont la coupe avait été autorisée par arrêté préfectoral avaient déjà été abattus, le Conseil d’Etat a considéré que le seul état d’avancement des travaux de défrichement ne fait pas obstacle à l’urgence à suspendre la décision litigieuse.

Autrement dit, la Haute juridiction met un coût d’arrêt à la jurisprudence de certains tribunaux administratifs qui considéraient que l’important état d’avancement des travaux empêche de constater l’existence d’une urgence à suspendre la décision autorisant des défrichements.