le 18/01/2018

Référé suspension contre une mesure de résiliation d’un contrat administratif – L’urgence ne se présume pas.

CE, 18 décembre 2017, n° 412066

Par un arrêt en date du 18 décembre 2017, le Conseil d’État a jugé que l’urgence à suspendre un mesure de résiliation d’un contrat public et à ordonner la reprise des relations contractuelles ne se présume pas et doit être démontrée par le requérant.

Fort dépourvu quand la résiliation de son marché de maîtrise d’œuvre conclu avec la commune d’Anthy-sur-Léman fut venue, le groupement titulaire a demandé au Tribunal administratif de Grenoble de suspendre cette décision et d’ordonner la reprise des relations contractuelles. La demande fut accueillie par le juge des référés.

Toutefois, saisi d’un pourvoi de la commune, le Conseil d’Etat a annulé l’ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble ayant suspendu la décision de résiliation et ordonné la reprise des relations contractuelles puis, réglant l’affaire en référé, a rejeté la demande présentée par les sociétés membres du groupement précité.

Pour ce faire, le Conseil d’Etat a d’abord rappelé le principe dégagé dans l’arrêt Béziers II (CE, 21 mars 2011, Commune de Béziers, req. n° 304806, publié au Recueil) selon lequel « il incombe au juge des référés saisi, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, de conclusions tendant à la suspension d’une mesure de résiliation, après avoir vérifié que l’exécution du contrat n’est pas devenue sans objet, de prendre en compte, pour apprécier la condition d’urgence, d’une part, les atteintes graves et immédiates que la résiliation litigieuse est susceptible de porter à un intérêt public ou aux intérêts du requérant, notamment à la situation financière de ce dernier ou à l’exercice même de son activité, d’autre part, l’intérêt général ou l’intérêt de tiers, notamment du titulaire d’un nouveau contrat dont la conclusion aurait été rendue nécessaire par la résiliation litigieuse, qui peut s’attacher à l’exécution immédiate de la mesure de résiliation ».

Le juge du Palais Royal a ensuite précisé, et c’est l’intérêt de la décision, que la suspension d’une mesure de résiliation d’un contrat public n’est pas une mesure pouvant être prononcée lorsque l’urgence est simplement présumée. En effet, si le juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble a retenu que « la condition d’urgence était remplie, par principe, au motif que la résiliation du marché n’était pas justifiée par des manquements des cocontractants de l’administration à leurs obligations », le Conseil d’Etat a censuré cette position car « en se fondant sur ce critère, alors qu’une telle circonstance est sans incidence sur l’appréciation de l’urgence et qu’en tout état de cause, l’urgence attachée à la reprise des relations contractuelles ne saurait se présumer, le juge des référés a entaché son ordonnance d’erreur de droit ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, il convient d’annuler l’ordonnance attaquée ».

En bref, pour le Conseil d’Etat, l’urgence à suspendre la résiliation d’un contrat public et à ordonner la reprise des relations contractuelles ne peut résulter du seul fait que cette résiliation n’est pas fondée sur les manquements commis par le titulaire du contrat et, en tout état de cause, ne peut être présumée.