le 23/11/2017

Le recours en reprise des relations contractuelles – dit « Béziers II » – ne s’applique pas aux décisions de modification unilatérale des contrats administratifs

CE, 15 novembre 2017, Société « Les Fils de Mme A.. », n° 402794

Par un contrat de délégation de service public, signé le 27 janvier 1999, le Centre national d’art et de culture Georges Pompidou (ci-après, le « Centre Georges Pompidou ») avait confié à la société « Les Fils de Mme A… » (ci-après, la « Société délégataire ») l’exploitation du parc de stationnement dudit Centre. Par une décision du 15 mai 2013, le président du Centre Georges Pompidou a fait part à la Société délégataire de sa décision unilatérale de retirer du périmètre de cette concession les 3542 m² de la gare routière. La Société Délégataire a attaqué cette décision devant le Tribunal administratif de Paris, en se fondant sur la jurisprudence dite « Béziers II » (CE, Sect., 21 mars 2011, Commune de Béziers, n° 304806) pour demander, d’une part, le rétablissement de l’état antérieur du contrat et, d’autre part, l’indemnisation du préjudice résultant selon elle de cette modification. Par un jugement du 7 juillet 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande et un arrêt du 28 juin 2016 de la Cour administrative d’appel de Paris, contre lequel la Société délégataire s’est pourvue en cassation, a confirmé ce jugement.

Saisi de ce pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat énonce dans un considérant de principe que « si une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d’une telle mesure d’exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles, ce juge, saisi par une partie d’un litige relatif à une mesure d’exécution du contrat autre qu’une résiliation, peut seulement rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité ».

Faisant application de ce principe au cas d’espèce, le Conseil d’Etat relève qu’il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la décision du 15 mai 2013 du président du Centre Georges Pompidou consistait en une modification unilatérale du contrat de délégation de service public et non une décision de résiliation unilatérale et que la Société Délégataire ne pouvait donc pas demander au juge du contrat l’annulation de cette décision, mais seulement l’indemnisation du préjudice qu’elle lui avait causé. Le Conseil d’Etat juge donc que la cour administrative d’appel de Paris n’a pas entaché son arrêt d’erreur de droit en rejetant la demande de la Société délégataire tendant au rétablissement du contrat dans son état antérieur à la décision litigieuse.

Par cette décision, le Conseil d’Etat précise sa jurisprudence « Béziers II » et en circonscrit le champ d’application aux seules décisions unilatérales de résiliation des contrats administratifs. En d’autres termes, les cocontractants de l’administration à un contrat administratif ne sont pas fondés à demander l’annulation d’une décision de modification unilatérale de ce contrat à l’exception des décisions de résiliation qui peuvent faire l’objet d’un tel recours. Hormis ce cas particulier, les cocontractants de l’administration peuvent uniquement demander au juge du contrat d’être indemnisés du préjudice subi à raison de la décision d’exécution litigieuse.