Urbanisme, aménagement et foncier
le 09/02/2023

Recours contre une autorisation d’urbanisme : les personnes pouvant sérieusement revendiquer la propriété d’un bien ont intérêt à agir

CE, 25 janvier 2023, n° 445937

Par une décision en date du 25 janvier 2023, le Conseil d’Etat a reconnu que les personnes qui entendent agir, en qualité de propriétaire, contre une autorisation d’urbanisme portant atteinte aux conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance d’un bien, ont intérêt à agir alors même qu’elles ne disposent ni d’un acte de propriété, ni d’une promesse de vente, ni d’un contrat préliminaire, dès lors qu’elles peuvent sérieusement revendiquer la propriété de ce bien.

Dans cette affaire, les sociétés Lowima et Touche Automobiles souhaitaient toutes deux acquérir une parcelle mise en vente par la communauté de communes la Aunis Atlantique (Charente-Maritime). Par des courriers du 21 août 2018, la Communauté de communes a fait savoir aux deux sociétés qu’elle entendait céder la parcelle litigieuse à la société Lowima. Par une délibération du 26 septembre 2018, le conseil communautaire a fixé le prix du mètre carré de la parcelle. La société Touche Automobiles a, alors, adressé à la communauté de communes une offre d’achat de cette parcelle à ce prix et fait assigner, le 19 avril 2019, la Communauté de communes devant le tribunal de grande instance (TGI) de La Rochelle aux fins de voir juger parfaite la vente de la parcelle à son profit. En parallèle, par une délibération du 2 juillet 2019, le conseil communautaire a formalisé sa décision de vendre à la société Lowima et le Maire de la commune de Marans a délivré à cette dernière un permis de construire sur la parcelle en litige. La société Touche Automobiles a, alors, formé un recours pour excès de pouvoir auprès du Tribunal administratif de Poitiers et sollicité l’annulation du permis de construire. Le Tribunal, comme la Cour administrative d’appel de Bordeaux saisie en appel, ont rejeté cette requête.

Dans ce contexte, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur l’intérêt à agir contre un permis de construire d’une personne revendiquant la propriété d’un bien, au regard des dispositions des articles L. 600-1-2 et R. 600-4 du Code de l’urbanisme, combinées.

Aux termes des dispositions de l’article L. 600-1-2 du Code de l’urbanisme :

« Une personne autre que l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l’occupation ou à l’utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l’aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation.

Le présent article n’est pas applicable aux décisions contestées par le pétitionnaire ».

Et aux termes des dispositions de l’article R. 600-4 du même Code :

« Les requêtes dirigées contre une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par le présent code doivent, à peine d’irrecevabilité, être accompagnées du titre de propriété, de la promesse de vente, du bail, du contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation , du contrat de bail, ou de tout autre acte de nature à établir le caractère régulier de l’occupation ou de la détention de son bien par le requérant […] ».

Après avoir rappelé que l’invitation à régularisation formulée par le Tribunal sur le fondement de l’article R. 600-4 du Code de l’urbanisme n’était pas entachée d’une erreur de droit, le Conseil d’Etat a précisé qu’ « une personne, entendant agir comme propriétaire d’un tel bien, qui ne fait état ni d’un acte de propriété, ni d’une promesse de vente, ni d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation ne justifie pas d’un intérêt de nature à lui donner qualité pour demander l’annulation d’une décision relative à l’occupation ou à l’utilisation du sol régie par le code de l’urbanisme, sauf à ce qu’elle puisse sérieusement revendiquer la propriété de ce bien devant le juge compétent ».

Ainsi, alors même qu’elle ne dispose pas des éléments prévus par l’article R. 600-4 du Code de l’urbanisme, une personne physique ou morale peut avoir intérêt à agir contre une autorisation d’urbanisme dès lors qu’elle est en mesure de revendiquer, sérieusement, la propriété du bien.

Cela étant précisé, le Conseil d’Etat a, en l‘espèce, considéré que la présentation de l’offre d’acquisition de la parcelle qui constitue le terrain d’assiette de la construction autorisée, au prix fixé par la délibération de la communauté de communes, ainsi que l’acte de saisine du TGI de La Rochelle ne sauraient faire regarder la société Touche Automobiles comme pouvant sérieusement revendiquer la propriété de ce bien. Elle ne dispose donc d’aucun intérêt à agir contre le permis litigieux.