le 17/05/2016

Recours contre une autorisation d’urbanisme et intérêt à agir

CE, 13 avril 2016, n° 389798, publié au Recueil

Depuis l’ordonnance du 18 juillet 2013, l’intérêt à agir des personnes privées autres que les associations avait été redéfini, en principe, pour permettre une plus grande sévérité du Juge administratif en matière de recevabilité des recours.

Jusqu’ici, peu de décisions avaient été rendues sur la base de ces nouvelles dispositions, aux termes desquelles la recevabilité du recours contre une autorisation de construire est subordonnée à la démonstration de ce que la construction ou les travaux sont de nature à « affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du Code de la construction et de l’habitation ». Surtout, il ressortait de ces décisions la confirmation de la jurisprudence rendue précédemment selon laquelle il faut un intérêt urbanistique pour solliciter l’annulation d’un permis.

Au mois de février dernier, le Conseil d’Etat avait rendu un arrêt très rigoriste en considérant que le requérant ne peut pas se borner à se prévaloir de sa qualité de propriétaire d’un bien voisin direct de la construction contestée. Dans cette décision, il avait considéré que les requérants, qui avaient produit des pièces justifiant d’une co-visibilité et d’une mitoyenneté, n’avaient pas suffisamment justifié la prétendue atteinte directe portée par le projet litigieux à leurs conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de leur bien.

Cet arrêt avait pu émouvoir eu égard à sa particulière sévérité.

Par un arrêt du 13 avril 2016, publié au Recueil Lebon, le Conseil d’Etat adoucit quelque peu sa décision en rappelant tout d’abord sur quelles bases le Juge administratif doit examiner la recevabilité de ces recours. Il précise ainsi que si, d’une part, le requérant doit préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier que la construction est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation de son bien, d’autre part, il appartient au défendeur d’apporter les éléments de nature à établir que ces allégations sont dépourvues de réalité.

A cet égard, le Conseil d’Etat rappelle que le Juge ne saurait exiger du requérant qu’il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu’il invoque. Ainsi, seules des atteintes potentielles pourront suffire à établir son intérêt à agir.  

Sur cette base, la Haute juridiction revient quelque peu sur la sévérité de son arrêt précédent en reconnaissant au voisin immédiat un intérêt à agir « de principe ».

Précisément, il considère que, « eu égard à sa situation particulière, il justifie, en principe, d’un intérêt à agir lorsqu’il fait état devant le Juge, qui statue au vu de l’ensemble des pièces du dossier, d’éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la localisation du projet de construction ».

En d’autres termes, le voisin immédiat est présumé avoir intérêt à agir, à condition tout de même qu’il fasse état de la nature, de l’importance ou de la localisation de la future construction. A cet égard, il doit être précisé qu’en aucun cas le Juge ne demande que ces allégations soient démontrées. Ainsi, dans cette affaire, il a suffi au voisin de faire valoir « qu’il subirait nécessairement les conséquences de ce projet, s’agissant de sa vue et de son cadre de vie, ainsi que les troubles occasionnés par les travaux dans la jouissance paisible de son bien » pour que son intérêt à agir soit reconnu.