le 13/09/2017

Reconnaissance d’une obligation de résultat à la charge de l’Etat en matière de préservation de la qualité de l’air

CE, 12 juillet 2017, Association Les Amis de la Terre, n° 394254

Dans une décision en date du 12 juillet 2017, le Conseil d’Etat a, dans le prolongement de l’arrêt Client Earth de la Cour de justice de l’Union européenne du 19 novembre 2014 (aff. C-404/13), jugé que les dispositions de la directive 2008/50 (CE) du 21 mai 2008 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe, transposées en droit interne notamment par les articles L. 221-1 et R. 221-1, d’une part, et L. 222-4 et L. 222-5, d’autre part, du Code de l’environnement, imposent une obligation de résultat à l’Etat en matière de respect des valeurs limites de polluants dans l’air.

Cette directive prévoit en effet, en premier lieu, des obligations à l’égard des Etats membres en matière de prévention de la pollution de l’air. A cet égard, elle fixe des valeurs limites de polluants dans l’air qui ne doivent pas être dépassées (article 13 de la directive et annexe VI s’agissant de la fixation des valeurs limites).

En cas de dépassement, elle impose, en second lieu, aux Etats membres de prendre des mesures de nature à faire cesser les pollutions. Dans ce cadre, il leur revient d’établir, pour les zones concernées, des plans de nature à réduire les pollutions en deçà des seuils limites dans un délai qu’ils fixent. Au-delà de ce délai, les plans doivent alors prévoir des mesures appropriées pour que la période de dépassement soit « la plus courte possible ». Ils sont alors transmis à la Commission européenne (article 23 de la directive).

Le Conseil d’Etat a estimé qu’il résulte de ces dispositions que :

« […] les personnes physiques ou morales directement concernées par le dépassement des valeurs limites fixées par l’annexe XI de cette directive après leur date d’entrée en vigueur doivent pouvoir obtenir des autorités nationales, le cas échéant en saisissant les juridictions compétentes, l’établissement d’un plan relatif à la qualité de l’air conforme à son article 23 lorsque n’est pas assuré le respect des exigences résultant de son article 13 ; que si les Etats membres disposent d’une certaine marge d’appréciation pour la détermination des mesures à adopter, celles-ci doivent, en tout état de cause, permettre que la période de dépassement des valeurs limites soit la plus courte possible ; que l’élaboration d’un plan relatif à la qualité de l’air conforme à l’article 23, paragraphe 1, deuxième alinéa, de cette directive ne saurait permettre, à lui seul, de considérer que l’Etat membre en cause a néanmoins satisfait aux obligations qui s’imposent à lui en vertu de l’article 13 de cette directive ; qu’il en résulte, enfin, qu’il appartient à la juridiction nationale compétente éventuellement saisie, de prendre, à l’égard de l’autorité nationale, toute mesure nécessaire, telle une injonction, afin que cette autorité établisse le plan exigé par ladite directive dans les conditions que celle-ci prévoit ».

Il en ressort une véritable obligation de résultat pour l’Etat, qui ne peut se contenter d’élaborer un plan, mais doit, vie ce plan, déterminer et mettre en œuvre des mesures permettant effectivement de revenir en deçà des seuils fixés par l’Union européenne.

A défaut, le juge administratif se déclare compétent pour l’enjoindre à établir le plan ainsi exigé par le droit européen.

En l’espèce, une association de protection de l’environnement avait, à la suite du constat de dépassements récurrents des seuils limites de dioxyde d’azote et de particules fines sur plusieurs zones géographiques du territoire, saisi le Conseil d’Etat du rejet implicite opposé par le Président de la République, le Premier ministre, le ministre de l’environnement et le ministre de la santé à sa demande tendant à la mise en œuvre de toutes mesures utiles permettant de ramener les concentrations de ces pollutions en dessous des valeurs limites sur l’ensemble du territoire national.

Le Conseil d’Etat a jugé que les décisions implicites attaquées méconnaissaient les dispositions du Code de l’environnement susmentionnées, qui transposent la directive du 21 mai 2008 en droit français.

Il les a dès lors annulées et a enjoint à l’Etat de prendre « toutes les mesures nécessaires pour que soient élaborés et mis en œuvre des plans relatifs à la qualité de l’air conformes aux exigences [du droit de l’Union européenne] permettant de ramener, [dans les zones concernées], les concentrations en dioxyde d’azote et particules fines PM10 sous les valeurs limites dans le délai le plus court possible ». L’Etat a jusqu’au 31 mars 2018 pour élaborer et transmettre ces plans à la Commission européenne.

Cette décision a été qualifiée d’historique par les commentateurs. Elle marque, il est vrai, une étape importante en matière de protection de la qualité de l’air et de la santé des personnes, et ce grâce au droit de l’Union européenne.