le 05/07/2016

Reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle : la reconnaissance par le Conseil d’Etat de l’illégalité des critères retenus

CE, 20 juin 2016, n° 382900, publié au Recueil

En France, pour que les préjudices subis en raison d’une catastrophe naturelle soient indemnisés, encore faut-il que cet état de catastrophe naturelle soit reconnu.

S’il apparaît facile pour les Ministres de clamer dans les médias la reconnaissance de catastrophes qui paraissent évidentes (comme pour les récentes inondations en Ile-de-France par exemple), cette procédure apparaît toutefois d’une très grande opacité pour les catastrophes moins médiatiques.

Ainsi en va-t-il du phénomène de subsidence (phénomène de sécheresse et de réhydratation des sols), qui fait l’objet chaque année de nombreuses décisions de refus de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, sans toutefois que l’on comprenne toujours les raisons d’un tel refus. L’absence de clarté des critères utilisés pour reconnaître, ou refuser de reconnaitre, cet état, est patente. En outre, si la décision finale appartient textuellement aux Ministres, c’est en réalité une commission interministérielle (sans existence légale puisqu’elle a été créée par simple circulaire) qui prend de facto la décision.

Sans grille de lecture déterminée, le Juge administratif rejetait la majorité des recours formé par les Maires contre les décisions de refus de reconnaître l’état de catastrophe naturelle qui touchent leur commune. Ainsi, depuis plusieurs années, nous demandons au législateur de prendre ses responsabilités en vue de proposer une grande réforme de la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.

Une décision récente du Conseil d’Etat donne un peu d’espoir sur la possibilité qu’une telle réforme puisse intervenir.

Précisément, dans cette affaire relative à un phénomène de subsidence (comme d’ailleurs dans la grande majorité des affaires traitant de ce phénomène), les Ministres avaient retenu une méthode élaborée par Météo France et fondée notamment sur des critères météorologiques. Il avaient alors fondé leur refus de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle sur le fait que l’intensité anormale de l’agent naturel en cause n’était pas démontrée sur au moins 10 % du territoire de la commune pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2009.

Saisi d’un recours contre la décision de refus, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise avait rejeté la requête. En revanche, la Cour administrative d’appel de Versailles avait quant à elle annulé le jugement ainsi que l’arrêté interministériel, au motif que les Ministres « n’avaient pu légalement se fonder sur un tel critère, qui n’est prévu par aucun texte et qui est sans rapport avec la mesure de l’intensité du phénomène de sécheresse et de réhydratation des sols » (CAA Versailles, 29 avril 2014, n° 13VE00929).
Le Conseil d’Etat valide cette analyse en confirmant l’annulation de cet arrêté pour ce motif.

C’est une décision porteuse d’espoirs pour de nombreuses communes touchées par ce phénomène et qui étaient jusqu’ici impuissantes face à ces décisions de refus très opaques.