Droit pénal et de la presse
le 13/06/2024
Marine ALLALI
Eugénie LIOT

Rapport de la CIIVISE : Violences sexuelles faites aux enfants, le temps de la parole

Rapport public de la CIIVISE, du 17 novembre 2023

Les chiffres sont encore une fois effrayants : 160.000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année. Cela équivaut à un enfant victime d’un viol ou d’une agression sexuelle toutes les 3 minutes en France. Ces derniers chiffres actualisés sont ceux présentés par la Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles Faites aux Enfants (CIIVISE) dans son rapport du 17 novembre 2023 « Violences sexuelles faites aux enfants : on vous croit » dirigé par Monsieur Edouard DURAND, ancien juge des enfants du Tribunal judiciaire de Bobigny.

Ce rapport est le fruit de 3 années de travail de la CIIVISE et de recueil de témoignages à travers tout le territoire national. Les chiffres qui y sont présentés montrent, en outre de l’importance du phénomène, le peu d’enquêtes et de condamnation pénale des auteurs de violences sexuelles sur mineur.

En effet, le rapport révèle que seules 19 % des victimes de violences sexuelles lorsqu’ils étaient mineurs portent plainte et ce chiffre passe à 12 % en cas d’inceste.

En outre, une fois que la victime porte plainte, la condamnation intervient dans une très grande minorité des cas et le rapport révèle que seulement 1 plainte sur 6 pour agression sexuelle sur mineur aboutira à une condamnation et 1 sur 10 en cas d’inceste. Cela revient à un taux de condamnation estimé à seulement 3 % des viols et agressions sexuelles commis chaque année sur des enfants en France et seulement 1 % dans les cas d’inceste. Ce très faible taux de condamnation est spécifique aux infractions de nature sexuelle et touche plus encore les infractions commises sur un victime mineure au moment des faits. La CIIVISE tente d’expliquer ce faible résultat, notamment par la révélation tardive des faits par la victime.

En effet, seule 13 % des victimes révèlent les violences au moment des faits. Ainsi, les affaires de violences sexuelles sur mineurs sont, en tout point, comparables à un « cold case ». A cela s’ajoute que dans 81 % des cas, l’agresseur est un membre ou un proche de la famille. Cependant, le nœud du problème ne réside pas seulement dans le silence des victimes, mais également dans la prise en compte de leur parole.

Le rapport constate qu’après la révélation des faits, le plus souvent à un membre de la famille, près de la moitié des enfants (45 %) ne voient aucun changement dans leur situation et ne sont pas mis en sécurité. Après la mise en évidence du très mauvais traitement de ces affaires par le système pénal français, ce rapport a également détaillé 82 recommandations ayant pour but de proposer des solutions pour éradiquer ce fléau. Ces recommandations s’organisent en 4 axes principaux : le repérage des enfants victimes, le traitement juridique de ces situations, la réparation et le soin des victimes ainsi que la prévention des violences sexuelles sur mineurs. Parmi elles, la CIIVISE suggère d’élargir les situations devant alerter les professionnels sur des potentiels faits de violences sexuelles telles que les consultations de jeunes filles mineures pour une IVG et pour toute grossesse précoce ; ou encore les consultations à la suite d’une tentative de suicide d’un enfant ou d’un adolescent.

La CIIVISE recommande également de reconnaitre une infraction spécifique d’inceste, ou encore l’intégration du cousin ou de la cousine dans la définition des viols et agressions sexuelles qualifiés d’incestueux (article 222-22-3 du Code pénal). Il s’agit alors de redonner une parole à ces victimes, mais également de prévenir ces agressions en tentant de repérer ces enfants, et de leur apporter tout le soutien nécessaire en cas d’agression. Face à cela, les recommandations de la CIIVISE ont pour objectif de lever le voile sur ces violences, trop longtemps tues par un déni généralisé dans la société. La tendance actuelle, qui doit se poursuivre, est à la prise de parole et à la protection des mineurs, victimes particulièrement vulnérables.

Il est grand temps de lever la voix pour élever ces actes au-devant de la scène juridique.

Le pôle Droit pénal et Aide aux victimes du cabinet Seban Avocats porte une attention particulière à ce sujet, et souhaite renouveler sa ferme volonté de soutenir les victimes.