le 09/12/2021

Rappel de la répartition de la compétence juridictionnelle pour connaître des contentieux relatifs aux colonnes montantes électriques

CAA Bordeaux, 18 novembre 2021, syndicat des copropriétaires du 34 rue de Metz et du 9 rue des Arts c/ Enedis, n° 19BX02034

Dans une décision du 18 novembre 2021, la Cour administrative de Bordeaux, saisie d’un contentieux opposant un syndicat de copropriétaires à la société Enedis, gestionnaire du réseau de distribution d’électricité, a eu l’occasion de se prononcer sur la question de la répartition des compétences entre le juge administratif et le juge judiciaire en matière de contentieux opposant un usager du service à son gestionnaire s’agissant des colonnes montantes électriques.

Ce syndicat sollicitait devant le Tribunal administratif, puis devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux, la condamnation de la société Enedis à l’indemniser des préjudices liés à l’absence de prise en charge des travaux réalisés en 2013 sur les colonnes montantes électriques de son immeuble[1]. Le syndicat des copropriétaires avait en effet fait réaliser à ses frais des travaux de remise en état des colonnes montantes électriques de son immeuble, puis sollicité le remboursement des frais correspondants auprès de la société ERDF (devenue ensuite Enedis), concessionnaire du réseau de distribution d’électricité. Face au refus opposé par cette dernière, le syndicat des copropriétaires avait alors saisi le Médiateur National de l’Energie, puis le juge administratif.

Dans sa décision du 18 novembre 2021, la Cour administrative de Bordeaux rejette comme étant portée devant une juridiction incompétente la demande indemnitaire du Syndicat.

Pour ce faire, la Cour commence par rappeler que les dommages causés aux tiers par les ouvrages ou les travaux entrepris par les personnes publiques, leurs concessionnaires ou leurs entrepreneurs ne peuvent être appréciés que par la juridiction administrative, quelle que soit la nature du service public concerné par lesdits ouvrages ou travaux, et donc y compris s’agissant d’un service public industriel et commercial, tel que celui de la distribution d’électricité.

La Cour rappelle ensuite qu’il n’appartient pas, en revanche, à ladite juridiction de connaître des dommages imputables aux ouvrages ou travaux dont s’agit et d’apprécier la responsabilité encourue à raison de vices dans leur conception, leur exécution ou leur entretien lorsque ces dommages ont été causés à un usager d’un service public industriel et commercial par une personne collaborant à l’exécution de ce service et à l’occasion de la fourniture de la prestation due par le service audit usager.

Dans ce cas, rappelle la Cour, les liens de droit privé qui existent entre les services publics industriels et commerciaux et leurs usagers impliquent que seuls les tribunaux judiciaires sont compétents pour connaître de l’action formée par l’usager contre les personnes participant à l’exploitation du service.

Ce faisant, la Cour rappelle une jurisprudence certes constante (TC 18 mai 2015, M. et Mme B c/ société Eparco Assainissement, N° C4004), mais souvent complexe dans sa mise en œuvre.

S’il est clairement admis par les deux ordres juridictionnels que les colonnes montantes d’électricité constituent des ouvrages publics (CAA Paris, 2 Juillet 2015, GRDF, req. n° 13PA03435 et 13PA03448 ; CA Limoges, 24 Janvier 2017, n° RG: 15/01230 ; Cour d’appel de Versailles, 29 mars 2016, Syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé 12 rue de l’Epinette à Saint-Mandé contre ERDF, n° 13/08946 ; CA Lyon, 21 juin 2011, n° RG: 09/06858), les frontières entre les qualités de tiers et d’usager peuvent s’avérer délicates à identifier en fonction des situations rencontrées.

On rappellera en effet qu’il a également pu être jugé que la demande de remboursement des frais exposés pour le raccordement d’une propriété à un service public industriel et commercial relevait de la juridiction administrative (TC, 8 octobre 2018, Commune de Malroy, n° 4135).

Dans l’espèce qui lui était soumise, la Cour estime que « La demande indemnitaire présentée par le syndicat des copropriétaires […] dirigée contre la société ENEDIS, en sa qualité de concessionnaire du réseau de distribution d’électricité, concerne l’entretien et la réparation des colonnes montantes desservant directement son immeuble. Ce litige, qui est ainsi relatif aux rapports de droit privé qui lient un service public industriel et commercial à ses usagers, relève de la compétence de la juridiction judiciaire ».

Cette solution, si elle ne fait que relayer une jurisprudence bien établie, invite les requérants à la plus grande vigilance lorsqu’ils entreprennent d’introduire un recours contre le GRD sur la question des colonnes montantes comme sur toute question liée à la réalisation de travaux sur le réseau de distribution d’électricité.

 

[1] Le Syndicat soulevait également une question ayant trait à l’incorporation des colonnes montantes électriques dans le réseau public de distribution d’électricité, mais cette question ayant été purgée par l’intervention de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dite loi ELAN) ayant créé les articles L. 346-1 à L. 346-5 du Code de l’énergie, le Tribunal puis la Cour ont considéré que les conclusions présentées à ce titre par le syndicat des copropriétaires étaient devenues sans objet.