le 16/06/2020

Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) – Un possible cumul des poursuites pénales et des sanctions en cas de gestion de fait

Conseil constitutionnel, 7 mai 2020, Décision n° 2020-838/839 QPC

Par décision du 7 mai 2020, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la conformité aux droits et libertés constitutionnels, de l’article L.131-11 du Code des juridictions financières (CJF) qui prévoit que « les comptables de fait peuvent, dans le cas où ils n’ont pas fait l’objet pour les mêmes opérations des poursuites prévues à l’article 433-12 du code pénal, être condamnés à l’amende par la Cour des comptes en raison de leur immixtion dans les fonctions de comptable public ».

Ces dispositions n’excluent donc le prononcé d’une amende pour gestion de fait par le juge financier, que dans le cas où le comptable de fait est poursuivi pour les mêmes opérations sur le fondement de l’article 433-12 du Code pénal qui, pour mémoire, sanctionne l’immixtion dans l’exercice d’une fonction publique.

En l’espèce, le Président et le Directeur d’un Office de tourisme ont fait l’objet, d’une part, de poursuites pénales des chefs d’abus de confiance, d’abus de biens sociaux, de corruption passive et de concussion, et, d’autre part, d’une procédure pour gestion de fait devant la Chambre régionale des comptes (CRC).

Par arrêt du 14 novembre 2019, la Cour des comptes – saisi de l’appel du jugement de la CRC – a transmis au Conseil d’Etat deux questions prioritaires de constitutionnalité, portant sur la constitutionnalité de l’article L. 131-11 du Code des juridictions financières au regard des dispositions de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) de 1789 relatif au principe de nécessité des délits et des peines.

Les requérants soutenaient que le cumul de poursuites devant le Tribunal correctionnel et devant la Chambre régionale des comptes, fondées sur les mêmes faits et protégeant, selon eux, les mêmes intérêts sociaux, était contraire au principe de nécessité des délits et des peines.

Le Conseil constitutionnel n’a toutefois pas suivi cette position, rappelant que ce principe constitutionnel ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits puissent faire l’objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature différente, en application de règles distinctes, précisant que « la seule circonstance que plusieurs incriminations soient susceptibles de réprimer un même comportement ne peut caractériser une identité de faits que si ces derniers sont qualifiés de manière identique ».

Les infractions d’abus de confiance, de concussion ou encore de corruption – pour lesquels les requérants avaient notamment été poursuivis et condamnés par la juridiction pénale – ne réprimant pas, selon le Conseil constitutionnel, des faits identiques – même s’il s’agit d’un même comportement -, ils peuvent se cumuler avec l’amende prévue par le Code des juridictions financières, sans méconnaitre le principe de nécessité des délits et des peines.