Lorsqu’une personne disparait mais qu’il n’y a pas assez d’éléments pour démontrer qu’un crime ou un délit est à l’origine de cette disparition, les familles se retrouvaient sans aucun recours.
C’est dans ce contexte que le législateur a créé la procédure « en recherche des causes d’une disparition » qui peut prendre deux formes : une enquête dirigée par le Procureur de la République ou une information judiciaire.
En effet, lorsqu’un délit ou un crime est porté à la connaissance d’un service d’enquête ou d’un Procureur de la République, une enquête peut être ouverte afin de réaliser un certain nombre d’investigations sous la forme d’une enquête de flagrance[1], une enquête préliminaire ou l’ouverture d’une information judiciaire selon l’infraction et l’urgence de la situation.
Toutefois, en plus de ces deux régimes principaux, le législateur a progressivement créé d’autres cadres, qualifiés de cadres sui generis d’enquête.
Ainsi en est-il du cadre d’enquête régissant la découverte d’un cadavre dont la mort est inconnue ou suspecte[2], de celui régissant la recherche de personne en fuite[3], et de celui régissant la recherche des causes d’une disparition qui vient d’intervenir ou d’être constatée, prévu à l’article 74-1 du Code de procédure pénale.
Avec ce dernier cadre d’enquête le législateur a souhaité répondre à l’émotion très vive qu’ont pu susciter les disparitions d’enfants ou de personnes handicapées, tel le cas des « Disparues de l’Yonne » par exemple.
La notion de disparition doit être comprise comme une absence suspecte, suscitant des craintes quant au sort réservé à la personne, qui peut être la mort bien sûr, mais pas uniquement, et qui ne traduit pas forcément la commission d’une infraction pénale, la victime pouvant avoir subi un accident par exemple.
En tout état de cause, ce cadre est soumis à plusieurs conditions.
En premier lieu, la disparition doit concerner l’une ou l’autre des personnes suivantes :
- un mineur, même émancipé ;
- un majeur protégé;
- un majeur, dans le cas où la disparition présente un caractère inquiétant ou suspect eu égard aux circonstances, à l’âge de l’intéressé ou à son état de santé.
En deuxième lieu, les investigations doivent être menées sur instruction du Procureur de la République et par des officiers de police judiciaire (OPJ), assistés éventuellement d’agents de police judiciaire (APJ).
Depuis le 26 janvier 2023, ces investigations peuvent également être menées directement par les APJ, sous le contrôle des OPJ.
En troisième lieu, les actes d’investigation pouvant être réalisés dans le cadre d’une enquête en recherche des causes d’une disparition sont ceux prévus aux articles 56 à 62 du Code de procédure pénale, c’est-à-dire prévus en cas d’enquête de flagrance, à l’exclusion de la garde à vue.
Il peut donc s’agir d’actes variés tels que saisies, perquisitions, réquisitions, auditions.
La personne disparue est également inscrite au Fichier des Personnes Recherchées (FPR).
En dernier lieu, cette enquête ne peut durer que 8 jours maximum à compter des instructions du Procureur de la République, délai à l’issue duquel les recherches doivent nécessairement se poursuivre dans les formes de l’enquête préliminaire ou par l’ouverture, sur réquisition, d’une information judiciaire pour recherche des causes d’une disparition, spécifiquement prévue à l’article 80-4 du Code de procédure pénale.
Dans le cadre de cette information judiciaire, le juge d’instruction peut procéder à tous les actes qui lui sont ordinairement dévolus.
En particulier, il peut procéder à des écoutes téléphoniques, mais dans une durée maximale de deux mois renouvelables.
Cette information judiciaire a pour particularité de ne pas mettre en mouvement l’action publique, car une telle mise en mouvement suppose l’existence d’un comportement pénalement punissable alors qu’à ce stade aucune infraction pénale n’est encore constatée.
Dès lors, il peut donc y avoir concurremment une enquête de police et une information judiciaire.
Une des conséquences qui en résulte est l’irrecevabilité des constitutions de partie civile.
Par exception, « les membres de la famille ou les proches de la personne (…) disparue peuvent se constituer partie civile à titre incident »[4].
Ils ne peuvent donc en revanche pas se constituer partie civile par voie d’action c’est-à-dire être à l’origine de l’ouverture d’une information judiciaire pour recherche des causes de la disparition.
Cela est regrettable puisqu’à la suite de l’enquête de 8 jours prévus par les textes, si les recherches s’arrêtent, les familles sont sans recours sur ce fondement.
Elles devront alors utiliser d’autres techniques procédurales pour ouvrir une information judiciaire qui peuvent consister en un dépôt de plainte sur une autre qualification pénale, telle que l’enlèvement et la séquestration, afin d’ouvrir une information judiciaire et espérer connaître le sort de leur proche.
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À l’issue des investigations, il se peut que la personne soit retrouvée saine et sauve, ce qui met fin aux recherches.
Elle peut également être retrouvée morte ou blessée, ce qui justifiera une nouvelle enquête ou instruction de droit commun en cas d’origine infractionnelle, ou l’enquête sui generis prévue à l’article 74 du Code de procédure pénale si l’origine demeure inconnue ou suspecte.
En cas de recherches infructueuses, il est important de noter que la disparition ne se prescrit pas ; aussi, même si l’enquête ou l’instruction est clôturée, la survenance de faits nouveaux pourra toujours justifier la reprise de nouvelles investigations.
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[1] Article 53 du Code de procédure pénale
[2] Article 74 du Code de procédure pénale