le 02/07/2015

Qualité de l’air : les préfets chargés de la mise en œuvre du plan de protection de l’atmosphère sont soumis à une obligation de moyens

CE 10 juin 2015, association « Les Amis de la Terre », n° 369428

Par une décision en date du 10 juin 2015, le Conseil d’Etat a jugé que les préfets chargés de la mise en œuvre du plan de protection de l’atmosphère sont soumis à une obligation de moyens et non de résultat.

L’association « les Amis de la Terre » avait formulé une demande aux autorités de l’Etat visant à la « mise en œuvre » du plan approuvé le 7 juillet 2006 et avait engagé un recours contentieux faute de réponse desdites autorités, en demandant au juge d’annuler ces refus et d’enjoindre l’Etat à prendre toute mesure utile pour appliquer ledit plan ; étaient plus spécifiquement visées les émissions de particules fines et de dioxydes d’azote dans l’atmosphère.

Mais la Haute juridiction a rejeté la requête et validé la solution retenue par la Cour administrative d’appel de Paris, qui avait considéré que, en application des articles L. 220-1, L. 221-1, L. 221-2, L. 222-4 et suivants du Code de l’environnement, et des dispositions réglementaires prises pour leur application, les préfets chargés de la mise en œuvre du plan, pour atteindre l’objectif de respect des valeurs limites réglementaires à ne pas dépasser aux fins d’éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs des substances polluantes contenues dans l’atmosphère sur la santé humaine ou sur l’environnement, sont soumis à une obligation de moyens (CAA Paris 11 avril 2013, « Les Amis de la Terre », n° 12PA00633).
Cette décision intervient quelques mois après celle de la Cour de justice de l’Union européenne énonçant que le respect des valeurs limites de dioxydes d’azote dans l’air ambiant, fixées par la directive n° 2008/50/CE du 21 mai 2008 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe, constituait une obligation de résultat (CJUE 19 novembre 2014, The Queen, à la demande de ClientEarth / The Secretary of State for the Environment, Food and Rural Affairs, affaire C-404/13).

Dans le prolongement de cet arrêt, le Conseil d’Etat indique qu’« un Etat peut être mis en cause, de façon globale, en cas de dépassement de ces valeurs », mais précise que « l’obligation ainsi édictée n’impose pas que chacun des outils déployés […] permette, à lui-seul, le respect de ces valeurs limites ». Or, précisément, le Juge administratif rappelle que « les plans de protection de l’atmosphère ne constituent que l’un des divers instruments dont dispose l’administration pour ramener les émissions de polluants à un niveau compatible avec les normes de qualité de l’air » et énonce dès lors que les préfets peuvent n’être soumis qu’à une obligation de moyens pour atteindre les objectifs de respect des valeurs limites règlementaires à ne pas dépasser.

Le Conseil d’Etat relève en outre que le représentant de l’Etat dispose, au regard des dispositions susvisées, d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer les actions appropriées à mettre en œuvre, y compris en cas de dépassement des valeurs limites ; dans ce contexte, il valide alors également le raisonnement de la CAA qui avait estimé que les requérants, compte tenu de l’obligation de moyens du Préfet, ne démontraient pas que les mesures effectivement mises en œuvre auraient été insuffisantes pour atteindre les objectifs du plan.

L’association requérante a, à l’issue du rejet de sa requête et alors que la France accueillera dans quelque mois la COP 21, adressé un courrier à la Présidence de la République et au Premier Ministre, sollicitant la mise en œuvre de « toutes mesures utiles permettant de ramener, sur l’ensemble du territoire national », les concentrations des particules fines (PM 2,5 et PM 10) et de dioxydes d’azote (NO2) à l’intérieur des valeurs limites fixées à l’annexe XI de la Directive n° 2008/50 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe du Parlement et du Conseil.  

Cette demande se place dans un contexte où la Commission européenne poursuit la Belgique et la Bulgarie devant la Cour de justice de l’Union Européenne en raison de la persistance de niveaux élevés de particules et a adressé un avertissement à la Suède.