le 19/03/2020

Protection des consommateurs et clauses abusives : la notion de « rapport direct »

Cass. Civ., 3ème, 17 octobre 2019, n° 18-18469

Il ressort des dispositions de l’article L.132-1 du Code de la consommation que : 

« Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ». 

La loi protège ainsi les consommateurs contre ces clauses abusives, en leur permettant de retrouver les droits qu’elles visaient à supprimer ou à limiter. 

Il convient de noter que la législation sur les clauses abusives est pour la majorité issue d’une transposition de la directive européenne 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 modifiée en 2011 par la directive 2011/83/UE concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, aussi appelé « Directive CACC ». 

La notion de « professionnels » est étendue puisqu’elle peut concerner : 

  • tout producteur, distributeur ou prestataire de service, toute personne physique ou personne morale ; 
  • toute société commerciale ou tout service public (service des eaux, HLM, maison de retraite, etc.). 

Selon l’article liminaire du Code de la consommation, « est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ». 

Le non professionnel est, selon le même article, une personne morale qui agit à des fins n’entrent pas dans le cadre de son « activité commerciale, industrielle, artisanale libérale ou agricole ». 

En d’autres termes, une société concluant un contrat avec un consommateur peut ne pas relever de la classification de « professionnel » si le service qu’elle propose n’entre pas dans le cadre de son activité. 

Ainsi les dispositions protectrices de l’article précité ne lui sont pas applicables. 

C’est dans un arrêt du 24 janvier 1995 que la 1re chambre civile de la Cour de cassation avait inauguré la jurisprudence sur le « rapport direct » pour refuser, à l’époque, à une société commerciale ayant contracté avec EDF le bénéfice des dispositions protégeant les consommateurs et non-professionnels contre les clauses abusives.  

Ces dispositions, énonçait-elle, « ne s’appliquent pas aux contrats de fournitures de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l’activité professionnelle exercée par le cocontractant » (Cass. Civ., 1ère,  24 janv. 1995, n° 92-18.227 : JurisData n° 1995-000267). 

Ce critère du « rapport direct » fut plusieurs fois repris par la Cour de cassation (Cass. Civ., 1ère, 30 janv. 1996, n° 93-18.684 : JurisData n° 1996-000310). 

Toutefois, l’arrêt de la Cour de cassation en date du 17 octobre 2019 (Cass. Civ., 3ème, 17 oct. 2019, n° 18-18.469 : JurisData n° 2019-018234) vient apporter deux tempéraments. 

Tout d’abord, depuis la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, le critère du « rapport direct » a perdu toute référence législative avec la réforme du droit applicable aux contrats hors établissement. 

Surtout, il semblait que ce critère soit tombé en désuétude compte tenu de l’insécurité juridique inhérente à son usage qui a été abondamment critiqué. 

En effet, il est devenu très difficile d’apprécier juridiquement l’étendue et les limites de l’exercice de l’activité professionnelle. 

Pour exemple, dans certains cas d’espèce, la Cour a reconnu le rapport direct pour une SCI lorsqu’elle se rend acquéreur d’un immeuble en vue de l’exploiter conformément à son objet social et sa dénégation lorsque, comme dans l’espèce ici commentée, une autre SCI fait construire un hangar en vue de le louer. 

Dans cette espèce, selon la Cour, l’absence de « rapport direct » tiendrait au fait que la SCI en cause, professionnelle de l’immobilier, n’était pas un professionnel de la construction… 

Défini par l’ordonnance de recodification du droit de la consommation du 14 mars 2016 comme « toute personne morale qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole » (Ord. n° 2016-301, 14 mars 2016, art. liminaire : JO 16 mars 2016, texte n° 29), le non professionnel est , depuis la loi de ratification du 21 février 2017 de ladite ordonnance, plus simplement caractérisé comme « toute personne morale qui n’agit pas à des fins professionnelles ». 

Il apparaît ainsi clairement que le critère déterminant de la qualité de non-professionnel ne se rapporte nullement à la compétence professionnelle de la personne morale considérée. Comme pour la détermination du consommateur, seule importe la finalité extra-professionnelle de l’action entreprise, sans distinction selon que celle-ci relève ou non du domaine de spécialité de l’intéressée. 

Le recours à la notion de « rapport direct » devrait donc disparaitre…à moins que…