Aide aux victimes
le 22/05/2025
Marine ALLALI
Maxellende BOULET

Proches d’une victime d’infraction : pouvez-vous être indemnisés par la CIVI (Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions pénales) ?

En cas d’auteur non identifié ou insolvable d’une infraction, ou en parallèle d’une procédure pénale en cours, une victime peut saisir la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions pénales (CIVI) afin d’être indemnisée de ses préjudices[1]. Mais qu’en est-il des proches de la victime, lorsque celle-ci a subi une atteinte grave des suites de cette infraction ?

Car bien souvent, le conjoint, les parents ou encore les enfants de la victime, appelés victimes par ricochet, subissent eux aussi de fortes répercussions à la suite des faits commis.

De manière indéniable, les proches de la victime souffrent en effet en premier lieu d’un préjudice dit « d’affection », qui correspond au préjudice moral subi au contact de la souffrance de la victime directe ou de son décès.

Parfois, ces victimes par ricochet ont de plus eu connaissance que leur proche se trouvait dans une situation de nature à porter atteinte à leur intégrité, tout en demeurant dans l’incertitude quant à son issue. Tel est le cas par exemple lors d’attentats. Elles subissent alors ce que l’on appelle un « préjudice d’attente et d’inquiétude ».

Ces préjudices ouvrent droit à indemnisation par la CIVI au titre de l’article 706-3 du Code de procédure pénale, dès lors que les conditions de saisine sont réunies – infraction caractérisée et entrant dans le champ d’application de cet article, faits commis sur le territoire national ou victime de nationalité française, absence de forclusion –.

On notera que la saisine de la CIVI est possible peu importe que la victime directe soit décédée ou non des suites de l’infraction, tant que la victime indirecte peut justifier d’un lien proche avec elle et d’un préjudice personnel et direct.

Le préjudice d’affection devra alors être apprécié in concreto, en fonction de chaque cas d’espèce, en prenant en considération notamment l’âge de la victime, le lien de parenté ou encore les circonstances du fait générateur du dommage et de son annonce.

Le préjudice d’attente et d’inquiétude devra quant à lui être réparé de façon distincte, autonome[2], là encore en fonction de chaque situation.

Mais dans certains cas, voire la plupart, les répercussions des faits sur le proche dépassent largement ces préjudices moraux liés à l’attachement affectif à la victime, et le décès, la souffrance ou le handicap de la victime directe entraînent chez lui un véritable bouleversement pathologique et des troubles psychologiques.

Les répercussions peuvent alors être constitutives de divers types de préjudices – souffrances endurées, déficit fonctionnel, préjudice sexuel, préjudice d’agrément, perte de revenus etc.

La Cour de cassation a ainsi eu l’occasion d’affirmer que le préjudice d’affection pouvait tout à fait se cumuler avec d’autres postes de préjudices[3], qui doivent alors tous donner lieu à indemnisation, conformément au principe de réparation intégrale du préjudice.

Pourtant, le Fonds de Garantie des Victimes des actes de Terrorisme et d’autres Infractions (FGTI), fonds de solidarité finançant ces indemnisations, est particulièrement réticent à allouer aux victimes indirectes d’autres sommes que celles correspondant aux préjudices d’affection et d’attente et d’inquiétude.

Il s’oppose par conséquent également le plus souvent aux demandes d’expertise formulées par ces victimes indirectes, nécessaires à la caractérisation et à l’évaluation de l’ensemble de leurs préjudices.

La victime par ricochet se trouve ainsi contrainte d’apporter elle-même de nombreux justificatifs – pièces médicales, attestations de psychologue, justificatifs de pertes de revenus…– afin de convaincre la CIVI de trancher le différend en sa faveur et faire droit à sa demande d’expertise puis, in fine, à l’indemnisation de l’ensemble de ses préjudices.

C’est un frein majeur pour l’indemnisation des proches qui bien souvent n’ont pas suffisamment de justificatifs, trop concentrés sur les soins apportés à la victime directe ou n’ayant tout simplement pas le réflexe ou l’habitude de recourir à des psychologues ou médecins pour soigner leurs souffrances psychiques.

Une possibilité reste alors de consulter un médecin-conseil de leur choix afin d’obtenir un rapport médical, mais cette solution se heurte à deux difficultés : d’une part la victime indirecte devra alors avancer des frais dont elle ne pourra obtenir le remboursement que dans le cas où la CIVI ferait droit à la réparation de ses préjudices, et d’autre part dès lors qu’il s’agit d’une expertise non contradictoire[4], le rapport constitue une preuve comme une autre que la CIVI peut considérer comme non suffisamment objective et probante.

La tendance étant à une meilleure indemnisation des victimes d’infractions pénales, on peut espérer que la réparation des préjudices des victimes par ricochet sera de plus en plus facilitée et généralisée, mais rien n’est malheureusement encore acquis à ce jour et il est nécessaire de poursuivre le combat pour une indemnisation juste et entière de toutes les victimes.

Le Pôle Aide aux victimes du Cabinet Seban Avocats accompagne donc les proches de victimes dans ce combat favorisant ainsi une juste indemnisation.

______

[1] Brève LAJ du 12/03/2025

[2] Ch. mixte, 25 mars 2022, n° 20-17.072

[3] Civ. 2e, 23 mars 2017, n° 16-13.350

[4] C’est-à-dire réalisée sans la présence du FGTI ou à tout le moins la possibilité pour lui de formuler des observations sur le pré-rapport établi avant le rapport d’expertise définitif