le 15/10/2020

Procédure et justification d’une décision de résiliation d’une concession valant délégation de service public

CAA Marseille, 21 septembre 2020, SIFA, n° 18MA05297

Par un arrêt du 21 septembre 2020, la Cour administrative d’appel de Marseille apporte des éclairages intéressants sur la procédure et les motifs justifiant une décision de résiliation d’un contrat de concession valant délégation de service public.

En l’occurrence, le litige opposait la commune de La Seyne-sur-Mer à la société immobilière et financière de l’armement (SIFA), à qui la commune avait attribué en 2012 un contrat de concession et de délégation de service public concernant la conception, le financement, l’exploitation, l’entretien et la maintenance du nouveau port de plaisance de La Seyne-sur-Mer. A la suite de diverses fautes, la commune avait mis en demeure le délégataire mettre fin aux manquements qui lui étaient reprochés dans un délai de 8 jours puis, faute pour le délégataire de se conformer à la mise en demeure, avait prononcé la résiliation pour faute du contrat par une délibération du 28 juillet 2015.

L’arrêt de la Cour traite, d’une part, de la régularité de la décision de résiliation.

A cet égard, il est intéressant de noter, en premier lieu, que la Cour s’appuie directement sur les dispositions de l’article L. 211-2 du Code des relations entre le public et l’administration pour contrôler la régularité de la délibération de résiliation. Pour rappel, cet article dispose que « les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent », notamment les décisions infligeant une sanction (point 2° dudit article). Selon la Cour, le fait que la délibération prononçant la résiliation vise les stipulations du contrat fondant la décision et comporte « un exposé précis des griefs du concédant » constitue une motivation suffisante.

En second lieu, la Cour écarte un argument procédural du délégataire qui pouvait poser question : le contrat prévoyait une procédure de conciliation préalable obligatoire en cas de litige entre les parties et le délégataire soutenait que le délégant aurait dû mettre en œuvre cette procédure avant de résilier le contrat. La Cour considère au contraire que la résiliation pour faute n’est en elle-même un litige entre les parties et que la seule obligation du délégant était de mettre en demeure le délégataire, comme le prévoyait un autre article du contrat.

En troisième lieu, s’agissant précisément de cette mise en demeure, la Cour considère, après avoir vérifié le caractère précis de l’identification des manquements, qu’un délai de huit jours pour une telle mise en demeure est suffisant dès lors que lesdits manquements avaient fait l’objet ,plusieurs mises en demeure antérieures et de « nombreux autres courriers… depuis le début de l’exécution du contrat ». Cette appréciation de la Cour est intéressante car elle permet à un délégant qui a pris soin de matérialiser de longue date les manquements du délégataire d’éviter d’attendre à nouveau pendant un long délai de mise en demeure avant de pouvoir résilier un contrat public.

L’arrêt de la Cour traite, d’autre part, du bien-fondé de la décision de résiliation.

Trois éléments méritent d’être soulignés :

  • Lorsqu’une clause d’un contrat fixe pour point de départ d’un délai d’exécution d’une obligation contractuelle l’expiration des délais de recours contre ledit contrat :

    • Le fait qu’un tiers exerce un recours ne suffit pas à suspendre le délai d’exécution de cette obligation dès lors que la clause n’instaure une condition suspensive de cette exécution ;
    • Le fait que l’absence de clause suspensive soit contraire aux usages du secteur est un argument inopérant ;

  • L’absence de versement par le délégataire des pénalités de retard peut constituer, dès lors qu’elles n’ont pas encore été contestées par celui-ci, un faute susceptible d’être prise en compte dans la décision de résiliation ;

  • L’existence d’un recours d’un tiers contre le contrat, alors même qu’on imagine qu’il peut bloquer l’obtention par le délégataire des financements nécessaires à la réalisation des ouvrages dont la maîtrise d’ouvrage lui est déléguée, ne constitue pas une cause exonérant le délégataire de ses obligations contractuelles, faute de clause en ce sens.

En conséquence, la Cour a rejeté toutes les demandes du délégataire déchu.