le 14/05/2020

Première décision de l’Autorité de régulation des transports sur le transfert des personnels SNCF dans le cadre de l’ouverture à la concurrence des services ferroviaires de voyageurs

Autorité de régulation des transports, 28 février 2020, Décision n° 2020-019

L’Autorité de régulation des transports (ART) a rendu sa première décision portant sur la détermination du nombre d’emplois devant être transférés en cas de changement d’exploitant de services TER en Région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Région Sud), afin de régler un différend entre la Région et SNCF Voyageurs sur ce point.    

Dans le cadre du monopole légal détenu par SNCF Voyageurs pour l’exploitation des services ferroviaires régionaux de Voyageurs et après une situation conflictuelle à la sortie de la dernière convention TER signée avec la Région Sud, les deux parties ont finalement réussi à se mettre d’accord sur une nouvelle convention TER pour la période 2019-2023, prévoyant une faculté de mise en concurrence d’un tiers des lignes sans indemnisation de SNCF.  

Faisant usage de la possibilité de tester la mise en concurrence des services ferroviaires de voyageurs à compter du 3 décembre 2019, la Région Sud a publié un avis de pré-information le 20 février 2019 au Journal officiel de l’Union européenne en vue de l’ouverture à la concurrence de deux lots, représentant environ 36% des lignes TER régionales.  

L’ouverture à la concurrence des services implique nécessairement des transferts de personnel dans l’hypothèse où l’attributaire des mises en concurrence n’est pas SNCF Voyageurs. La publication de l’avis de pré-information est à cet égard importante, puisqu’elle déclenche le délai de six mois dans lequel la SNCF doit transmettre à la Région les informations nécessaires à la détermination du nombre de salariés concourants directement ou indirectement à l’exploitation de ces services, et le délai de neuf mois dans lequel les parties doivent fixer d’un commun accord le nombre de salariés à transférer.  

Ne parvenant pas à un accord, la Région a alors saisi l’ART d’une demande de règlement du différend, conformément à l’article L. 2121-22 du Code des transports. Cette décision s’impose aux parties.  

Dans cette première décision, l’ART donne des clefs d’application des dispositions très intéressantes, et fait œuvre de pédagogie en exposant le cadre méthodologique selon lequel elle entend travailler, s’agissant d’une « […] problématique déterminante de la réussite de l’ouverture à la concurrence des services conventionnés en ce qu’elle est susceptible d’affecter la capacité de nouveaux opérateurs à exploiter le service ».   

Tout d’abord, l’Autorité précise que c’est bien sur SNCF Voyageurs que pèse la charge de la preuve de transmettre des données vérifiables et justifiées, permettant de mettre en œuvre les dispositions du Code des transports. Elle indique qu’à défaut, l’Autorité confronte les estimations de la Région (effectuées sur la base d’un audit) avec ceux de SNCF, l’ART n’ayant en effet pas le temps, dans le délai de trois mois qui lui est imparti pour se prononcer, de mener son propre audit.    

Si SNCF ne transmet pas les données nécessaires, le cas échéant après des demandes de l’ART en cours d’instruction, les chiffres régionaux sont regardés comme permettant de définir au mieux le nombre d’emplois à transférer (après analyse de ceux-ci par l’Autorité et à condition qu’ils ne soient pas manifestement erronés) pour les catégories d’emploi n° 1, c’est-à-dire les emplois concourant directement à la production du service.   

Dans cette décision, l’Autorité précise notamment que :  

  • Le calcul des emplois concourant directement à la production du service doit être effectué sur la base d’une addition des temps d’affectation de chaque salarié au service transféré, ces temps devant ensuite être convertis en ETP par catégorie d’emplois. 

 En l’occurrence, la méthode de SNCF Voyageurs, consistant à appliquer à une assiette correspondant aux entités opérationnelles concourant à̀ la production du lot concerné pour chaque catégorie d’emplois, un prorata correspondant au pourcentage d’affectation au lot considéré́ en fonction des données disponibles pour chaque catégorie, est jugée contraire aux dispositions règlementaires applicables (décret n° 2018-1242) :

  • Le nombre d’emplois transféré doit être évalué sur la base des effectifs affectés aux services concernés à la date de publication de l’avis de pré-information : il n’est ainsi pas possible de tenir compte d’éléments de fait postérieurs à cette date ou d’anticipations portant sur le volume des effectifs, telle qu’une trajectoire de ressources humaines de réduction d’effectifs prévue par la convention TER en cours. Par ailleurs, l’exclusion de personnels considérés en « sureffectif » par la Région Sud, au motif qu’ils ne concourraient pas en réalité au service, n’étant pas prévu par le Code des transports, n’était pas possible ;  
  • S’agissant du personnel réalisant des prestations en gare, leur transfert n’est pas laissé à la discrétion de l’autorité organisatrice (AOT). Il a lieu si l’AOT fait usage de la possibilité d’exercer ou de faire exercer certaines missions de gestion et d’exploitation de gares pour le compte de Gares & Connexions ainsi que prévu par l’article L. 2121-14-7 du Code des transports.  

Par ailleurs, il est à noter que l’Autorité a relevé en l’espèce le défaut de transmission des données nécessaires par SNCF Voyageurs à la Région Sud ainsi qu’au cours de l’instruction du dossier (malgré des demandes en ce sens), et un certain nombre d’erreurs, d’incohérences ou de carences méthodologiques commises par SNCF Voyageurs (notamment s’agissant de la catégorie d’emplois « vente aux guichets » et « escales pour le compte de Gares & Connexions »). L’Autorité apporte des éclairages intéressants sur la méthodologie de calcul à retenir pour certaines catégories d’emplois.  

Cette décision sera donc très éclairante pour les autres territoires où l’ouverture à la concurrence des services TER doit prochainement être mise en œuvre.