le 04/04/2017

Précisions sur l’identification des zones humides par le Conseil d’Etat

CE, 22 février 2017, n° 386325

Le Conseil d’Etat a, dans une décision en date du 22 février 2017, précisé que les critères législatifs d’identification d’une zone humide, lorsque de la végétation y existe, sont cumulatifs et non alternatifs (CE, 22 février 2017, n° 386325).

Plus précisément, aux termes de l’article L. 211-1 du Code de l’environnement :

« I.- Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer :

1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l’année […] ».

Deux critères doivent ainsi être pris en compte pour identifier une zone humide, à savoir, d’une part, la présence de sols habituellement inondés ou gorgés d’eau et, d’autre part, celle, pendant au moins une partie de l’année, de plantes hygrophiles, lorsque de la végétation existe.

La question qui se posait en l’espèce était celle de savoir si, lorsque de la végétation est identifiée sur le terrain en cause, les critères sont cumulatifs ou alternatifs.

L’arrêté du 24 juin 2008 précisant les critères de définition et de délimitation des zones humides en application des articles L. 214-7-1 et R. 211-108 du Code de l’environnement indique qu’une zone est considérée comme humide si elle présente alternativement l’un de ces deux critères.

La Cour administrative d’appel de Nancy, saisie de l’affaire en appel, s’était, dans le même sens, bornée à constater que le premier critère était rempli sans examiner si, alors que de la végétation était présente sur les lieux, celle-ci présentait ou non un caractère hygrophile.

A l’inverse, le Conseil d’Etat a jugé que :

« Il ressort de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 dont elles sont issues, qu’une zone humide ne peut être caractérisée, lorsque de la végétation y existe, que par la présence simultanée de sols habituellement inondés ou gorgés d’eau et, pendant au moins une partie de l’année, de plantes hygrophiles » (considérant 4).

Ainsi, en l’absence de végétation, seul le critère de la présence de sols habituellement inondés ou gorgés d’eau, appelés sols hydromorphes, est pris en compte. En revanche, en présence de végétation, outre l’identification de sols hydromorphes, il convient, pour caractériser un espace de zone humide, d’identifier de la végétation hygrophile.

Le Conseil d’Etat a, par la même occasion, constaté l’illégalité de l’arrêté du 24 juin 2008.

En revanche, on relèvera que l’article R. 211-108 du Code de l’environnement, qui précise les critères de définition et de délimitation des zones humides figurant à l’article L. 211-1 du même Code, semble conforme à l’interprétation retenue par le Conseil d’Etat.

Il prévoit en effet que « les critères à retenir pour la définition des zones humides […] sont relatifs à la morphologie des sols liée à la présence prolongée d’eau d’origine naturelle et à la présence éventuelle de plantes hygrophiles. […] En l’absence de végétation hygrophile, la morphologie des sols suffit à définir une zone humide. […] ».

Par cette décision, le Conseil d’Etat est venu mettre un terme à l’interprétation de l’article L. 211-1 du Code de l’environnement tendant à regarder le critère de la morphologie des sols comme le critère prépondérant d’identification des zones humides.

Ce faisant, il a réduit les hypothèses de reconnaissance de telles zones qui bénéficient d’une protection importante de la part du Code de l’environnement.

Sont en effet notamment soumis à déclaration voire à autorisation, les projets susceptibles d’avoir une incidence sur ces milieux (articles L. 214-1 et suivants du Code de l’environnement). Dans ce cadre, de fortes contraintes pèsent sur les pétitionnaires qui doivent s’attacher à éviter, réduire et compenser les atteintes causées à ces zones par leur projet.