le 18/04/2019

Précisions relatives aux règles applicables à la passation et à la conclusion d’un contrat entre une collectivité territoriale et une SEMOP

CE, 8 février 2019, Société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux req. n° 420296

Le Conseil d’Etat a précisé, par une décision en date du 8 février 2019 (n° 420296), les modalités de passation d’un contrat avec une société économie mixte à opération unique (SEMOP). Il a clarifié, notamment, les modalités de signature d’un contrat avec une SEMOP et le contenu des documents contractuels.

Pour mémoire, la SEMOP, définie aux articles L. 1541-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales (CGCT), est une entreprise publique locale sous forme de société anonyme ayant la particularité d’être créée par une collectivité territoriale ou son groupement – après l’organisation d’une procédure de mise en concurrence dont le but est de sélectionner le ou les futurs opérateurs économiques actionnaires de cette société –, pour une durée limitée et à titre exclusif en vue de la conclusion et de l’exécution d’un contrat avec ladite collectivité territoriale ou ce groupement de collectivités.

L’arrêt du 8 février 2019 concernait le cas d’une SEMOP qui avait été créée par le Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (SIAAP) en vue de lui confier un marché public de prestations de services pour l’exploitation d’une station d’épuration. Le SIAAP avait donc organisé une mise en concurrence et avait retenu la société Veolia Eau comme opérateur économique actionnaire de la SEMOP.

Dans cette affaire, le Conseil d’Etat a d’abord dû répondre à la question de savoir si le fait pour le SIAAP d’avoir signé le marché non pas avec la SEMOP mais avec la société Véolia, en sa qualité d’actionnaire, constituait un vice de compétence susceptible d’emporter l’illégalité du marché.

Pour y répondre, le Conseil d’Etat a d’abord rappelé, sans surprise, que « lorsqu’une collectivité territoriale crée une société d’économie mixte à opération unique, c’est avec cette société qu’elle doit passer le contrat confiant l’opération projetée. La société d’économie mixte à opération unique doit par suite être substituée, pour la signature du contrat, au candidat sélectionné selon les procédures applicables aux contrats de concession ou aux marchés publics ». Cependant, le Conseil d’Etat a fait preuve de pragmatisme dans l’application de ces règles.

En effet, s’il a considéré que le fait pour le SIAAP d’avoir signé le marché avec la société Véolia et non la SEMOP constituait bel et bien un vice de compétence, le Conseil d’Etat a toutefois considéré que ce vice avait, en l’espèce, pu être valablement régularisé. Pour ce faire, le Conseil d’Etat a, d’une part, tenu compte de ce que la constitution de la SEMOP par le SIAAP avait pris du retard, si bien que ni les statuts, ni le pacte d’actionnaires n’avaient été arrêtés à la date de signature du marché et, d’autre part, du fait qu’une « convention de régularisation tripartite [avait] été signée fin novembre 2017 par le SIAAP, la société Veolia Eau […] et la SEMOP SIVAL et approuvée par le SIAAP par une délibération du 24 novembre 2017 ».

Cette question réglée, le Conseil d’Etat a ensuite été amené à préciser les règles applicables à la constitution d’une SEMOP et notamment celles prévues à l’article L. 1541-2 du CGCT selon lesquelles « l’avis d’appel à la concurrence comporte un document de préfiguration, précisant la volonté de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales de confier l’opération projetée à une société d’économie mixte à opération unique à constituer avec le candidat sélectionné ». En effet, le préfet – qui avait contesté la légalité du marché –, avait soutenu que le document de préfiguration était trop imprécis et que les projets de statuts et de pacte d’actionnaires n’avaient pas été fixés préalablement à la mise en concurrence.

A cet égard, le Conseil d’Etat a de nouveau fait preuve de souplesse en précisant que les dispositions du CGCT « n’imposent pas à la personne publique qui entreprend de constituer une SEMOP de fixer par avance de manière intangible dès le stade de la mise en concurrence tous les éléments des statuts de la SEMOP et du pacte d’actionnaires », dans la mesure où ces dispositions « ne concernent pas l’offre elle-même de l’actionnaire opérateur économique candidat à la passation du contrat ». Partant, ont été jugés comme suffisants par le Conseil d’Etat, de manière combinée et au stade de la mise en concurrence, le fait que :

  • le document de préfiguration indiquait la part que la collectivité souhaitait détenir au sein du capital de la SEMOP ;
  • le projet de pacte d’actionnaire énonçait les règles de gouvernance et les modalités de contrôle offertes au SIAAP sur l’activité de la SEMOP ;
  • le projet de statuts précisait les règles de dévolution des actif et passif de la SEMOP dans l’hypothèse de sa dissolution.

Au final, le Conseil d’Etat a validé la légalité du marché notifié à la SEMOP et, en conséquence, rejeté le recours du préfet.