le 13/07/2017

Précisions sur l’intérêt à agir du propriétaire d’un terrain nu pour contester contre un permis de construire

CE, 28 avril 2017, n° 393801

Par cette nouvelle décision, le Juge administratif apporte des éléments supplémentaires à sa jurisprudence sur les conditions d’appréciation de l’intérêt à agir contre des permis de construire, d’aménager ou de démolir.

Depuis l’ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme, qui introduit un nouvel article L. 600-1-2 au sein du livre VI du Code de l’urbanisme, le Conseil d’Etat  a, par touches successives, précisé les conditions de l’intérêt à agir en catégorisant les requérants.

Pour le requérant voisin immédiat du projet, il existe en principe, une présomption d’intérêt à agir.

Pour cela, encore faut-il que ce dernier fasse état devant le Juge administratif d’éléments démontrant l’ampleur du projet de construction.

Egalement, il doit prouver que ce projet portera nécessairement atteinte à ses conditions d’occupation en apportant des éléments (preuve d’une pollution visuelle ou sonore, d’une perte d’ensoleillement, ou de difficultés de stationnement) qui permettront au Juge d’exercer un contrôle in concreto sur les pièces du dossier (CE, 13 avril 2016, n° 389798 ; CE, 20 juin 2016, n° 386932).

S’agissant des voisins éloignés du projet de construction, il n’existe aucune présomption d’intérêt à agir.

Dans cette hypothèse, le Juge administratif a précisé que « les écritures et les documents produits par l’auteur du recours doivent faire apparaître clairement en quoi les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien sont susceptibles d’être directement affectées par le projet litigieux » (CE, 10 février 2016, n° 387507).

Dès lors que le requérant ne justifie pas, par des « éléments probants et suffisant précis », que le projet en cause est susceptible d’affecter directement ses conditions d’occupation d’utilisation ou de jouissance de son bien, les juridictions de fond rejettent systématiquement les requêtes pour irrecevabilité manifeste (CAA Nantes, 31 mars 2016, n° 15NC02495).

Par cette décision du  28 avril 2017, le Conseil d’Etat pose les conditions de l’intérêt à agir pour une nouvelle catégorie de requérants, celle de voisin propriétaire non occupant du terrain.

Précisément, en l’espèce, il était question du recours introduit contre un permis de construire pour la réalisation de trois maisons individuelles par un requérant, voisin des parcelles en litige, et propriétaire de terrains inconstructibles à vocation agricole.

Tout d’abord, le Conseil d’Etat reconnait l’intérêt à agir d’un voisin propriétaire de terrains inconstructibles.

Ensuite, la deuxième partie de la solution rendue s’inscrit dans sa lignée jurisprudentielle puisqu’il précise que le propriétaire ni exploitant ni occupant doit produire au dossier des éléments propres pour attester que la construction, ses caractéristiques et la configuration des lieux, est de nature à affecter directement les conditions de jouissance de son bien.

Toutefois, après avoir rappelé ces principes, le Conseil d’Etat reconnaît que « si les projets litigieux conduisaient à urbaniser un secteur naturel protégé, cette seule circonstance n’était pas nature à affecter les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance des terrains que M. F… possède à proximité dès lors qu’ils sont à vocation agricole et dépourvus de toute construction d’habitation ».

Ainsi, il a considéré que la Cour administrative d’appel de Nantes a commis une erreur de droit en ne recherchant pas « si, au vu des éléments versés au dossier, les constructions projetées étaient de nature à porter une atteinte directe aux conditions de jouissance de son bien ».

Reste à savoir comment s’apprécie « l’atteinte directe aux conditions de jouissance du bien » alors même que la parcelle du requérant est dépourvue de toute construction.