le 29/08/2017

Possibilité d’invoquer l’enrichissement sans cause ou la faute, y compris pour la première fois en appel, devant le Juge du contrat saisi d’une demande de résolution d’un contrat à la suite de l’annulation d’un acte détachable

CE, 19 juillet 2017, Société Aéroports de Paris, n°401426, conclusions du rapporteur public M. Olivier Henrard, Mentionné dans les tables du Recueil Lebon

En application des articles L. 571-14 et suivants du Code de l’environnement sur la participation financière des exploitants d’aérodromes aux mesures d’atténuation des nuisances sonores mises en œuvre par des riverains, la société Aéroports de Paris avait conclu, le 22 octobre 2009, une convention avec le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve Saint-Georges portant aide financière pour la réalisation de travaux d’isolation acoustique de ses bâtiments.

La décision d’Aéroports de Paris de signer cette convention ayant été annulée par un premier jugement du Tribunal administratif de Paris du 15 décembre 2011 à la suite du recours de deux organisations syndicales, le Tribunal administratif de Paris, saisi cette fois-ci en tant que Juge du contrat, a prononcé la résolution de la convention financière et condamné le centre hospitalier à restituer les sommes à Aéroports de Paris par un second jugement du 19 décembre 2013. En appel, la Cour administrative d’appel de Paris a confirmé, par une décision du 12 mai 2016, la résolution de la convention mais a condamné Aéroports de Paris à réparer la faute qu’elle aurait commise en signant une convention dont elle connaissait le caractère illégal. La société Aéroports de Paris s’est ensuite pourvu en cassation contre le jugement d’appel.

Dans la décision du 19 juillet 2017 commentée, le Conseil d’Etat a jugé, après avoir rappelé la jurisprudence constante sur les conséquences de l’annulation d’un acte détachable d’un contrat , que :
« si le juge du contrat, saisi par l’un des cocontractants sur injonction du juge de l’exécution, prononce la résolution du contrat, les parties peuvent poursuivre le litige qui les oppose sur un terrain extra-contractuel en invoquant, y compris pour la première fois en appel, des moyens tirés de l’enrichissement sans cause que l’application du contrat annulé a apporté à l’autre partie ou de la faute consistant, pour l’autre partie, à avoir conclu un contrat illégal, alors même que ces moyens, qui ne sont pas d’ordre public, reposent sur des causes juridiques nouvelles » (CE, 19 juillet 2017, Société Aéroports de Paris, n°401426).

Et, pour cause, le Conseil d’Etat avait conclu que lorsque le Juge, saisi d’une action en responsabilité contractuelle, prononce la nullité d’un contrat, les parties peuvent invoquer, y compris la première fois en appel, les moyens tirés de l’enrichissement sans cause ou de la faute consistant, pour l’un d’eux, à avoir passé un contrat nul, alors que ces moyens, qui ne sont pas d’ordre public, reposent sur des causes juridiques nouvelles (v. CE, 20 octobre 2000, Société Citécable Est, n°196553) et même en l’absence de toutes relations contractuelles (v. CE, 19 juin 2015, Société immobilière du port de Boulogne, n°369558).
Au cas précis, le Conseil d’Etat conclut que la Cour administrative d’appel de Paris, en admettant les conclusions indemnitaires du centre hospitalier qui avaient été présentées pour la première fois en appel, n’avait pas commis d’erreur de droit. Par ailleurs, au fond, le Conseil d’Etat confirme la décision de la Cour administrative d’appel de Paris en ce qu’elle condamne la société Aéroports de Paris en rejetant son pourvoi en cassation.

En s’inscrivant dans la lignée de la jurisprudence Citécable Est précitée, la décision du Conseil d’Etat du 19 juillet 2017 étend l’exception au principe de l’irrecevabilité en appel d’un moyen reposant sur une cause juridique nouvelle, à moins qu’il soit d’ordre public (v. CE, 20 février 1953, Société Intercopie, n°9772), à l’hypothèse où le Juge du contrat est saisi par les parties, sur invitation du juge de l’exécution ayant prononcé l’annulation d’un acte détachable du contrat, en vue d’une résolution du contrat.

[1] En effet, l’annulation d’un acte détachable d’un contrat n’implique pas nécessairement que ce contrat doive être annulé et le Juge du contrat, lorsqu’il est saisi par les parties à un contrat sur invitation du juge de l’exécution, a seulement la faculté de prononcer la résolution de ce contrat à la condition que cette décision ne porte pas une atteinte excessive à l’intérêt général (v. CE, 21 février 2011, Société Ophrys, n°337349).