le 11/04/2019

Pollution des sols : le degré d’obligation de remise en état de l’ancien exploitant

Cass. Civ., 3ème., 7 mars 2019, n° 17-28.536

Par un arrêt en date du 7 mars 2019, la Cour de cassation a précisé la portée de l’étude environnementale d’un terrain pollué à la suite de la cession de celui-ci. Elle a par ailleurs apporté des précisions sur le degré de l’obligation de remise en état incombant à l’ancien exploitant de l’installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) qui avait occupé le terrain en cause.

Dans cette affaire, la société requérante avait conclu un contrat de bail à construction avec la Commune de Nice par lequel elle s’était engagée à édifier un centre commercial sur des parcelles de terrain achetées par la Commune. Les anciens exploitants, les sociétés Esso, Total marketing France et la SNCF, avaient stocké des hydrocarbures pétroliers sur les terrains concernés.

Ayant connaissance de l’ancienne affectation des terrains pris à bail, la société bailleresse a confié une étude de reconnaissance des sols à un premier bureau d’études. Par la suite, alors que la société avait mis en œuvre les premiers travaux de terrassements, elle a mis à jour des émanations d’hydrocarbures pétroliers sur le terrain et a dû faire procéder à un diagnostic complémentaire de pollution des sols par un second bureau d’études qualifié. La société bailleresse a alors saisi le Tribunal de grande instance à raison du préjudice engendré par le surcoût dû aux travaux de dépollution. Elle a été déboutée de cette demande en premier instance puis en appel.

Le litige se concentrait sur les trois points suivants.

D’abord, la requérante reprochait au premier bureau d’études qui avait effectué les études de sols (la société Sol essais) de ne pas avoir mis en lumière l’importance de la pollution et ainsi manqué à son obligation d’information et de conseil. Or la Cour de cassation relève que la mission confiée à la société Sol essais était une mission de reconnaissance des sols en vue de la faisabilité géotechnique du projet et non une mission spécifique de diagnostic du degré de pollution de la nappe phréatique et du sol. La Cour d’appel, confirmée par la Cour de cassation, a donc considéré que malgré l’imprudence de la société Sols essais qui s’est prononcée dans une matière ne relevant pas de sa spécialité et sur la base de recherches insuffisantes, la société bailleresse avait, en exigeant uniquement une étude de sols, commis une faute l’empêchant de se prévaloir à l’égard de la Société Sol essais, d’un préjudice subi à raison des travaux de dépollution.

De plus, la société bailleresse souhaitait engager la responsabilité des sociétés venderesses, Esso, Total et la SNCF, sur deux fondements. Elle invoquait, d’une part, la garantie des vices cachés de l’article 1641 du Code civil. Or les juges ont considéré que la société bailleresse avait eu connaissance de l’ancienne affectation des terrains et avait donc conscience des contraintes inhérentes à une telle affectation. Dès lors, ces éléments suffisent, selon la Cour de cassation, à caractériser l’absence de vice caché.  

La requérante recherchait, d’autre part, la responsabilité délictuelle des sociétés Esso, Total et SNCF, sur le fondement du principe de pollueur-payeur issu de la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement et de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 relative à l’élimination des déchets et à la récupération des matériaux. Les juges relèvent sur ce point que le préfet, informé de la situation, n’avait émis aucune observation, ni demandé la réalisation de travaux supplémentaires aux anciens exploitants. Le site avait donc été remis en état conformément à la réglementation applicable sans qu’une faute ne puisse être établie à l’encontre des sociétés venderesses. Cette décision insiste dès lors sur le fait que si une pollution persiste après la remise en état d’un terrain au titre de la législation ICPE, cela n’implique pas forcément que la remise en état est irrégulière et fautive.