le 29/08/2016

Point sur les principales évolutions du Droit du travail issues de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 dite « Loi travail »

Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels

Les principales évolutions de la Loi travail concernent la négociation d’entreprise (A) et le temps de travail (B)

A.    La négociation d’entreprise

1-    Sur les conditions de conclusion et de révision des accords d’entreprise

Les partenaires sociaux dans le cadre des négociations collectives sont invités à conclure systématiquement des accords de méthode.

En outre, tout accord d’entreprise devra être précédé d’un préambule en application de l’article L. 2222-3-3 nouveau du Code du travail sans que cette obligation ne puisse néanmoins entraîner la nullité de l’accord.

Enfin, pour inviter les partenaires sociaux à renégocier régulièrement, la Loi travail prévoit désormais qu’en l’absence de dispositions particulières, l’accord d’entreprise n’est plus à durée déterminée mais d’une durée de cinq ans.

L’accord à durée déterminée cesse en outre de produire ses effets à l’issue de son délai d’application et ne devient pas, comme c’était le cas actuellement à durée indéterminée (article L. 2222-4 nouveau du Code du travail).

En outre, le suivi régulier des accords d’entreprise doit être assuré, l’accord devant prévoir ses conditions de suivi et comporter des « clauses de rendez-vous » sans que l’absence de ces clauses n’entraîne néanmoins la nullité de l’accord.

Plus importante est la modification des règles de validité des accords d’entreprise.

En effet, désormais tous les accords d’entreprise devront être signés par les représentants des organisations syndicales majoritaires qui ont recueilli 50 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au Comité d’Entreprise ou de la Délégation unique du personnel (DUP) ou à défaut des délégués du personnel (article L. 2232-12 modifié du Code du travail).

Ainsi, la logique du droit d’opposition disparaît : l’accord minoritaire reste possible mais n’est plus soumis à l’absence d’opposition des syndicats majoritaires.

En effet, les syndicats minoritaires représentant au moins 30 % des résultats obtenus aux élections sus visées pourront signer des accords et organiser dans le délai d’un mois une consultation des salariés en vue de valider l’accord signé (article L. 2232-12 modifié).

Cette consultation ne sera néanmoins pas nécessaire si l’accord est signé par des organisations syndicales ayant obtenu plus de 50 % des votes aux dernières élections des représentants du personnel.

Concernant la révision des accords d’entreprise, seules les organisations signataires de l’accord représentatives ou qui y ont adhéré sont habilitées, durant le cycle électoral au cours duquel cet accord a été conclu, à engager une procédure de révision.

A l’issue du cycle électoral, toute organisation représentative dans le champ d’application de l’accord peut engager une procédure de révision : l’avenant de révision doit être conclu à la majorité.

Enfin, désormais les salariés mandatés par une organisation syndicale représentative au niveau de l’entreprise ou au niveau de la branche peuvent négocier tout type d’accord d’entreprise et non plus uniquement les thèmes pour lesquels la loi impose le recours à la négociation collective.

2-    Sur le sort des accords d’entreprise en cas de modification dans la situation juridique de l’employeur

L’harmonisation des statuts du personnel en cas de transfert du personnel en application de l’article L. 1224-1 du Code du travail est favorisée, l’employeur pouvant négocier un accord de substitution d’une durée maximale de trois ans avec les deux entreprises concernées par l’opération juridique et les syndicats de l’entreprise qui emploient les salariés qui vont être transférés . Cet accord de substitution peut donc être négocié de « façon anticipée ».

Un accord d’adaptation peut également être conclu entre les deux employeurs et les deux syndicats des deux entreprises. Cet accord fera table rase du passé et s’appliquera à l’ensemble du personnel des deux entreprises pour créer un statut unique.

La notion extrêmement floue d’avantages individuels acquis qui n’était définie que par la jurisprudence est désormais supprimée : le seul avantage individuel acquis est constitué par la rémunération.

B.    La durée du travail

La Loi travail n’a pas touché aux 35 heures.

La durée quotidienne maximale de travail reste fixée à 10 heures et la durée hebdomadaire à 48 heures ou 44 heures sur une période de 12 semaines consécutives.

Les heures supplémentaires sont toutes les heures effectuées au-delà de 35 heures et peuvent, par accord d’entreprise, être majorées d’un montant inférieur aux minimums légaux sans pouvoir être inférieures à 10 % de majoration.

Désormais, dès lors qu’un accord de branche l’autorise, un accord d’entreprise pourra prévoir une variation de la durée du travail sur une période supérieure à un an et dans la limite de trois années.

Les conventions de forfait jours deviennent de plus en plus encadrées puisque, outre les trois clauses jusqu’alors obligatoires (catégories de salariés susceptibles de conclure une convention, durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, caractéristiques principales de ces conventions), sont désormais ajoutées la période de référence du forfait (année civile ou toute autre période de douze mois consécutifs) et les conditions de prise en compte pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées ou départs en cours de préavis.

Par ailleurs, l’accord autorisant la convention de forfait jours doit déterminer les modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation régulière de la charge de travail du salarié, l’articulation entre vie personnelle et vie professionnelle et le droit à déconnexion.

Les conventions individuelles de forfait jours existantes continueront néanmoins de produire effet dès lors qu’elles respectent les dispositions du nouvel article L. 3121-65.

Ainsi la Loi travail vient favoriser les accords d’entreprise en permettant aux syndicats minoritaires de conclure un accord par référendum sans que les syndicats majoritaires puissent s’y opposer.

Elle reprend les conditions posées par la jurisprudence sur les conventions de forfait jours en les encadrant.

Elle simplifie le transfert d’entreprise en favorisant l’harmonisation des statuts du personnel et met fin à la notion extrêmement floue d’avantages individuels acquis.

Enfin, elle autorise l’employeur à inscrire dans son règlement intérieur le principe de neutralité religieuse et, ce faisant, autorise la possibilité de restreindre les manifestations de convictions religieuses des salariés, si ces restrictions sont justifiées par l’exercice de libertés ou de droits fondamentaux ou par la nécessité du bon fonctionnement de l’entreprise, dans l’hypothèse où ces restrictions sont proportionnées au but recherché.

Corinne METZGER
Avocat à la Cour