le 19/10/2021

Offre rejetée pour tardiveté : preuves à rapporter par le candidat pour régulariser son offre

CE, 23 septembre 2021, RATP, n° 449250

Par un avis d’appel public à la concurrence publié le 25 novembre 2019, la Régie autonome des transports parisiens (ci-après, « RATP ») a lancé une procédure négociée de passation d’un accord-cadre multi attributaire à marchés subséquents.

Par un courrier en date du 17 décembre 2020, la RATP a rejeté l’offre de la société Alstom-Aptis au motif de sa tardiveté.

Saisi d’un référé précontractuel, introduit sur le fondement de l’article L. 551-5 du Code justice administrative par la société Alstom-Aptis, le juge des référés du Tribunal administratif de Paris a, par une ordonnance du 15 janvier 2021, jugé que la remise tardive de l’offre n’était pas imputable à la société requérante mais à un dysfonctionnement de la plateforme de la RATP. Le juge des référés a donc enjoint à la RATP de suspendre la décision de rejet de l’offre de la société Alstom-Aptis et d’attribution de l’accord-cadre et, si elle entendait poursuivre la procédure de passation du marché, de la reprendre au stade de l’analyse des offres en intégrant l’offre de cette société.

La RATP a introduit un pourvoi en cassation contre cette ordonnance laquelle a été l’occasion pour le Conseil d’État d’exposer les preuves à rapporter par le candidat pour régulariser son offre lorsque celle-ci a été reçue hors délai par l’acheteur.

Dans un considérant de principe, le Conseil d’État juge effectivement que « si l’article R. 2151-5 du Code de la commande publique prévoit que les offres reçues hors délai sont éliminées, l’acheteur public ne saurait toutefois rejeter une offre remise par voie électronique comme tardive lorsque le soumissionnaire, qui n’a pu déposer celle-ci dans le délai sur le réseau informatique mentionné à l’article R. 2132-9 du même Code, établit, d’une part, qu’il a accompli en temps utile les diligences normales attendues d’un candidat pour le téléchargement de son offre et, d’autre part, que le fonctionnement de son équipement informatique était normal ».

Examinant ensuite l’affaire au fond au regard de ce principe, le Conseil d’État relève que le juge des référés avait constaté, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que les deux éléments probatoires précités étaient bien rapportés par la société Alstom-Aptis puisqu’elle avait démontré que l’impossibilité de transmettre son offre dématérialisée dans le délai imparti « n’était imputable ni à son équipement informatique, ni à une faute ou une négligence de sa part dans le téléchargement des documents constituant son offre ».

S’agissant plus particulièrement de l’appréciation des diligences de la société Alstom-Apits, le Conseil d’État juge que dès lors que la transmission d’une copie de sauvegarde des documents transmis par voie électronique est une simple faculté ouverte aux candidats et soumissionnaires en application de l’article R. 2132-11 du Code de la commande publique, l’absence de dépôt d’une telle copie ne saurait s’analyser comme une négligence de la part d’un candidat.

Enfin, le Conseil d’État souligne que le juge des référés ayant relevé que la « RATP n’établissait pas le bon fonctionnement de sa plateforme de dépôt », il avait, à bon droit, jugé que « la tardiveté de la remise de l’offre de la société Alstom-Aptis était imputable à un dysfonctionnement de cette plateforme qui faisait obstacle à ce que la RATP écarte cette offre comme tardive ».

A l’instar d’un arrêt du 17 octobre 2016 relatif à la démonstration de la régularité de la signature électroniques des documents de la consultation[1], le Conseil d’État concilie par la présente décision la nécessité de faire supporter la charge de la preuve au candidat qui entend justifier la tardiveté de son offre et la difficulté, sinon l’impossibilité, dans laquelle il se trouverait de rapporter la preuve d’un dysfonctionnement de la plateforme de l’acheteur pour expliquer cette tardiveté.

En effet, aux termes de la décision commentée, il appartient au candidat évincé de démontrer que la tardiveté de son offre ne lui est pas imputable mais il peut rapporter cette preuve en prouvant qu’il a accompli en temps utile les diligences normales attendues d’un candidat pour le téléchargement de son offre et que le fonctionnement de son équipement informatique était normal.

La réunion de ces deux éléments crée une véritable présomption de dysfonctionnement de la plateforme de dépôt et suffit à tenir le retard comme n’étant pas imputable au candidat. Afin de renverser cette présomption, il appartient alors à l’acheteur de démontrer l’absence de dysfonctionnement de sa plateforme ou, à défaut, de retenir l’offre tardive du candidat dès lors que cette tardiveté ne lui est pas imputable.

 

[1] CE, 17 octobre 2016, Ministre de la défense c./ Société Tribord, n° 400791, 400794.