le 17/03/2016

Procédure fiscale – Obligation pesant sur l’administration d’informer le contribuable de l’origine et la teneur des éléments obtenus de tiers – informations issues de déclarations de revenus d’autres contribuables

CE, 9 mars 2016, n° 364586

« L’administration est tenue d’informer les contribuables de l’origine et de la teneur des renseignements sur lesquels elle se fonde pour établir un redressement, renseignements qui sont issus des déclarations de revenus souscrites auprès d’elle par des contribuables ainsi que des pièces justificatives dont ces déclarations doivent, le cas échéant, être assorties ».

Selon l’article L. 76B du Livre des Procédures Fiscales, l’administration ne peut en principe fonder un redressement sur des renseignements ou documents qu’elle a obtenus de tiers sans en avoir informé le contribuable, avant la mise en recouvrement, de l’origine et la teneur de ces renseignements.

Ce principe souffre de plusieurs exceptions.

Notamment, par un avis du 21 décembre 2006, n° 297305, le Conseil d’Etat a considéré que l’obligation d’informer le contribuable de la teneur et de l’origine des renseignements et documents obtenus de tiers ne s’étend pas aux informations fournies annuellement par des tiers à l’administration et au contribuable conformément aux dispositions du Code général des impôts.

Ainsi, les informations fournies annuellement à l’administration par les employeurs, débirentiers, établissements procédant aux versements de revenus de capitaux mobiliers, etc. ne sont pas concernées par l’obligation d’information.

Il a également été jugé que l’obligation qui incombe à l’administration d’informer le contribuable sur l’origine des renseignements ou documents qu’elle a obtenus de tiers ne s’étend pas non plus aux informations nécessairement détenues par les différents services de l’administration fiscale en application de dispositions législatives ou réglementaires.

Ainsi, il a été jugé que les informations contenues dans le fichier immobilier, qui proviennent des actes déposés au service des impôts par les Notaires, Huissiers, Greffiers, Avoués, Avocats et autorités administratives, sont hors du champ d’application de cette obligation (CE 26 mai 2014 n° 348574, 10e et 9e s.-s. : RJF 8-9/14 n° 829, concl. E. Crepey BDCF 8-9/14 n° 85).

Par un arrêt n° 364586 en date du 9 mars 2016, le Conseil d’Etat est venu apporter une précision importante s’agissant des informations figurant dans les déclarations de revenus et pièces justificatives produites à l’administration par des contribuables autres que celui qui fait l’objet du redressement.

Les déclarations déposées spontanément par les contribuables constituent manifestement des « informations fournies annuellement par des tiers à l’administration » et des « informations nécessairement détenues par les différents services de l’administration fiscale en application de dispositions législatives ou réglementaires ».

La question se posait alors de savoir si, lorsque l’administration utilise des renseignements et des informations contenues dans les déclarations d’un contribuable pour fonder des redressements à l’encontre d’un autre contribuable, elle était dispensée de l’indiquer dans les actes de procédures précédant la mise en recouvrement.

Le Conseil d’Etat, par un arrêt en date du 9 mars 2016, a répondu par la négative en jugeant que si cette obligation d’information ne s’étend pas aux éléments nécessairement détenus par les différents services de l’administration fiscale en application de dispositions législatives ou réglementaires, tel n’est pas le cas pour les informations fournies à titre déclaratif à l’administration par des contribuables tiers, dont elle tire les conséquences pour reconstituer la situation du contribuable vérifié ; qu’il suit de là que l’administration est tenue d’informer les contribuables de l’origine et de la teneur des renseignements sur lesquels elle se fonde pour établir un redressement qui sont issus des déclarations de revenus souscrites auprès d’elle par des contribuables ainsi que des pièces justificatives dont ces déclarations doivent, le cas échéant, être assorties.

Ainsi, l’administration doit avoir informé le contribuable redressé qu’elle a utilisé les informations contenues dans les déclarations déposées par exemple par un ex-époux, des parents, des frères et sœurs, d’associés de société, de membres d’indivision ou de copropriété, etc. car à défaut, la procédure de redressement sera viciée et le contribuable pourra solliciter la décharge des redressements.

Précisons enfin que cette jurisprudence s’applique également aux redressements déjà notifiés et qu’il est encore possible, pour les redressements non prescrits, d’invoquer ce nouveau moyen de défense.