le 19/10/2021

Nouvelles précisions sur les conditions de recevabilité d’une réclamation au sens du CCAG Travaux

CE, 27 septembre 2021, Société Amica, req. n° 442455

Par sa décision en date du 27 septembre 2021, le Conseil d’Etat apporte de nouvelles précisions sur les conditions de recevabilité d’une réclamation, au regard des stipulations du Cahier des clauses générales administratives (CCAG) applicable aux marchés de travaux.

Cette décision a été rendue à l’occasion d’un litige portant sur le décompte général d’un marché de réalisation de réseaux scénographiques, que la Commune de Bobigny avait confié à la Société Amica dans le cadre de la restructuration de la maison de la culture MC 93. La Commune n’ayant pas fait suite à sa demande de rémunération complémentaire, la Société Amica a saisi le Tribunal administratif de Montreuil, lequel a rejeté sa requête par un jugement du 31 octobre 2019. Ce jugement ayant été confirmé par la Cour administrative d’appel de Versailles le 15 juin 2020, la Société Amica s’est pourvue en cassation.

Sur le fondement des stipulations de l’article 50.1 du CCAG applicable aux marchés de travaux, dans sa version datant du 8 septembre 2009, le Conseil d’Etat commence par rappeler, de manière classique, qu’un mémoire du titulaire du marché ne peut être regardé comme une réclamation au sens des stipulations précitées que s’il comporte l’énoncé d’un différend et expose, de façon précise et détaillée, les chefs de la contestation en indiquant, d’une part, les montants des sommes dont le paiement est demandé et, d’autre part, les motifs de ces demandes, notamment les bases de calcul des sommes réclamées. On relèvera que le contenu de ces stipulations est repris dans le nouveau CCAG Travaux datant du 30 mars 2021 (cf. article 55.1).

A cet égard, il convient d’insister sur le fait que le titulaire d’un marché faisant application du CCAG Travaux doit être très vigilant quant au contenu de son mémoire en réclamation pour au moins deux raisons : d’une part, un mémoire en réclamation irrégulier n’interrompra pas le délai de contestation au terme duquel le titulaire est réputé avoir accepté le décompte général ; d’autre part, en cas de contentieux, il ne pourra présenter au Juge administratif aucun autre grief ou demande que ceux qu’il aura exposé dans son mémoire en réclamation.

Ensuite, et c’est là l’apport de cette décision, le Conseil d’Etat ajoute « si que ces éléments ainsi que les justifications nécessaires peuvent figurer dans un document joint au mémoire, celui-ci ne peut pas être regardé comme une réclamation lorsque le titulaire se borne à se référer à un document antérieurement transmis au représentant du pouvoir adjudicateur ou au maître d’œuvre sans le joindre à son mémoire ».

On relèvera ainsi la différence établie entre, d’une part, le titulaire d’un marché, qui doit donc joindre à son mémoire en réclamation l’ensemble de ses pièces justificatives, sans pouvoir se référer à des documents précédemment adressés au pouvoir adjudicateur et, d’autre part, l’Administration qui, elle, peut émettre à l’encontre de son cocontractant un titre de recettes dont les bases de liquidation peuvent être indiquées soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint au titre ou précédemment adressé au titulaire.

Faisant application de ce principe au cas d’espèce, le Conseil d’Etat constate que la lettre du 18 août 2017 de la Société Amica exposant l’un des motifs de sa contestation par référence à un courrier antérieur qui n’était pas joint à son envoi, ne pouvait être regardée, sur ce point, comme remplissant les exigences énoncées à l’article 50.1.1 du CCAG Travaux.

Par suite et après avoir constaté par ailleurs que le courrier du 18 août 2017 de la Société Amica n’exposait aucun des chefs de sa contestation avec une précision suffisante, le Conseil d’Etat rejette le pourvoi.