le 14/05/2020

Nouvelle requalification d’un marché public de mise à disposition de mobiliers urbains en concession de services

CAA Nantes, 30 mars 2020, Communauté d’agglomération du pays de Vannes, n° 18NT02671

Par un arrêt rendu le 30 mars dernier, la Cour administrative d’appel de Nantes requalifie un marché de mise à disposition de mobiliers urbains en contrat de concession de services.    

Dans le cadre d’une convention de groupement de commandes conclue avec deux communes, la communauté d’agglomération du pays de Vannes avait conclu un marché public portant sur la mise à disposition, l’installation, l’entretien, la maintenance et l’exploitation de panneaux d’information municipale et d’abris voyageurs, pour une durée de douze ans.  

Saisi par la société JC Decaux, candidate évincée, le Tribunal administratif de Rennes a requalifié ce marché en contrat de concession de services avant de rejeter sa demande tendant à l’annulation du contrat (TA Rennes, 14 mai 2018, req. n° 1701037).  

La Cour confirme ce jugement en jugeant qu’il résulte des stipulations de l’acte d’engagement que le contrat faisait bien peser sur le titulaire un risque d’exploitation.  

En effet, le titulaire retirait sa rémunération de l’exploitation commerciale des faces des mobiliers urbains non-utilisées par les collectivités et devait verser à la communauté d’agglomération une redevance annuelle de 200 000 euros TTC, au minimum. La Cour en déduit qu’il était ainsi « exposé aux aléas de toute nature qui peuvent affecter le volume et la valeur de la demande d’espaces de mobilier urbain par les annonceurs publicitaires sur le territoire de la communauté d’agglomération, sans qu’aucune stipulation du contrat ne prévoie la prise en charge, totale ou partielle, par la commune des pertes qui pourraient en résulter ».  

Par ailleurs, si le contrat prévoyait bien le versement d’un prix par la collectivité au titulaire, ce prix correspondait seulement à des prestations complémentaires de pose, dépose ou déplacement du mobilier urbain, et il ne trouvait à s’appliquer qu’après que le titulaire ait effectué, chaque année, cinq de ces opérations gratuitement. La Cour juge donc que « compte-tenu du caractère accessoire de ces prestations portant sur les équipements objets du contrat litigieux », le contrat constitue un contrat de concession de services. Cette solution rejoint donc celle qui trouvait à s’appliquer lorsque le contrat ne prévoyait aucun versement de prix (CE, 25 mai 2018, Sté Girod Médias, req. n° 416825).  

Enfin, la Cour s’appuie sur cette requalification pour écarter le moyen tiré du caractère anormalement bas de l’offre attributaire. Elle fait ainsi application de la récente décision par laquelle le Conseil d’État a précisé que la prohibition des offres anormalement basses et le régime juridique attaché à leur détection et à leur rejet ne sont pas applicables, en tant que tels, aux concessions (CE, 26 février 2020, Commune de Saint-Julien-en-Genevois, req. n° 436428).  

La Cour répond toutefois brièvement au moyen, en se plaçant donc sur le terrain non pas de l’offre anormalement basse mais sur celui qui peut être appliqué aux concessions : il s’agit de vérifier que l’offre n’est pas « manifestement structurellement déficitaire » (conclusions de Gilles Pellissier sous CE, 26 février 2020, Commune de Saint-Julien-en-Genevois, req. n° 436428). À cet égard, la Cour juge que la société JC Decaux n’établit pas que les conditions financières proposées par l’attributaire n’auraient pas permis d’assurer une bonne exécution de la concession, en rappelant que les opérations de pose et dépose ne présentaient qu’un caractère accessoire et que l’essentiel de la rémunération du titulaire reposait sur les recettes publicitaires tirées de l’exploitation du mobilier urbain.