Dans une décision en date du 14 octobre 2024, la Cour administrative d’appel de Lyon, statuant sur renvoi du Conseil d’Etat, a partiellement confirmé l’injonction faite à la société Enedis de déplacer certains ouvrages électriques irrégulièrement implantés sur une propriété privée.
Dans cette affaire, deux sections de lignes électriques avaient été implantées sur le terrain du requérant sans qu’aucune servitude de passage du réseau électrique n’ait été consentie par le propriétaire, par le biais d’une convention ou accordée selon la procédure prévue par les articles R. 323-3 et suivants du Code de l’énergie, dans le cadre d’une procédure de déclaration d’utilité publique.
Pour rappel, lorsqu’un ouvrage du réseau de distribution d’électricité est implanté irrégulièrement sur une propriété privée, c’est-à-dire sans servitude régulièrement conclue, ni déclaration d’utilité publique, le juge administratif peut en ordonner la démolition ou le déplacement. La décision du juge est prise en application de la théorie du bilan consistant à mettre en balance, d’une part les inconvénients que la présence de l’ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d’assiette de l’ouvrage, d’autre part, les conséquences de la démolition pour l’intérêt général, et d’apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n’entraîne pas une atteinte excessive à l’intérêt général.
Après avoir rappelé que les actions tendant à la démolition d’ouvrages publics irrégulièrement implantés sont imprescriptibles, la Cour a constaté le caractère irrégulier de l’implantation des ouvrages publics en cause et l’absence de toute possibilité de régularisation.
Toutefois, en application de la théorie dite du bilan, le juge administratif a opéré une distinction entre la situation des deux ouvrages.
D’une part, la Cour a estimé que la démolition de la ligne et du support situés en limite nord-ouest du terrain privé, dont le coût et les conséquences techniques sur le réseau étaient particulièrement importantes (coût de 400.000 euros, modification du raccordement de neuf postes de distribution, obtention de nombreuses autorisations administratives et réalisation de multiples chantiers d’enfouissement sur le domaine public routier), aurait porté une atteinte excessive à l’intérêt général, alors même que les inconvénients pour le propriétaire demeuraient mineurs (limités à l’impossibilité de laisser croître des arbres de haute tige en bordure de son fonds).
Par conséquent, en ce qui concerne cet ouvrage, la Cour a annulé l’injonction du tribunal administratif tendant à la démolition de l’ouvrage.
D’autre part, la Cour a en revanche confirmé l’injonction de suppression de la ligne traversant la propriété du nord-ouest au sud-est, laquelle surplombait l’habitation du requérant, et limitait fortement l’usage de son terrain, dès lors que le coût du déplacement, s’élevant à 200.000 euros) ne suffisait pas à caractériser une atteinte disproportionnée à l’intérêt général, en l’absence de difficulté juridique ou technique.
Par conséquent, la Cour administrative d’appel de Lyon a annulé le jugement du Tribunal administratif de Grenoble en ce qu’il avait enjoint à la société Enedis de procéder au déplacement du premier ouvrage mentionné ci-avant, et réhaussé l’indemnisation du propriétaire.