le 29/08/2017

Modulation des pénalités de retard par le juge administratif

CE, 19 juillet 2017, Société GBR Ile-de-France, n° 392707

Dans le cadre d’un marché public de travaux relatif à la construction d’un centre médico-psychologique, un centre hospitalier a infligé des pénalités de retard à l’encontre du titulaire de ce marché à hauteur de 663.686,66 euros et rejeté son mémoire en réclamation. Par un jugement n° 1203172 du 12 février 2014, le Tribunal administratif de Melun a fixé le solde du marché à la somme de 308.025,55 euros toutes taxes comprises en défaveur de la société GBR Ile-de-France (ci-après, la « Société »). La Société a fait appel de ce jugement et par un arrêt n° 14PA01703 du 15 juin 2015, la Cour administrative d’appel de Paris a modulé le montant de ces pénalités et fixé le solde du marché à la somme de 66.392,45 euros. Estimant que le juge administratif n’avait pas le pouvoir de moduler de la sorte les pénalités de retard, le centre hospitalier a introduit un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Le Conseil d’Etat commence par affirmer, dans un considérant de principe, que « les pénalités de retard prévues par les clauses d’un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu’est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d’exécution contractuellement prévus ; qu’elles sont applicables au seul motif qu’un retard dans l’exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n’aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi ».

Le Conseil d’Etat pose ensuite comme principe que le Juge du contrat doit appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat mais indique que, par exception, le Juge peut, s’il est saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l’ampleur du retard constaté dans l’exécution des prestations.

En l’espèce, le Conseil d’Etat juge que la Cour administrative d’appel de Paris a commis une erreur de droit en réduisant le montant des pénalités à la charge de la Société sans s’assurer du caractère manifestement excessif des pénalités au regard notamment des pratiques observées pour des marchés comparables ou des caractéristiques particulières du marché en litige.

Par cette décision le Conseil d’Etat rappelle le caractère impératif des clauses contractuelles qui s’imposent normalement au Juge du contrat qui a pour fonction de les appliquer. Néanmoins, il conclut, qu’à titre exceptionnel, le Juge peut moduler les pénalités contractuellement prévues lorsqu’elles se révèlent manifestement excessives ou, au contraire, dérisoires. Cette décision rappelle le contrôle exercé par le Juge administratif sur les clauses de résiliation des contrats pour motif d’intérêt général. En effet, le Juge administratif admet que l’indemnité due en cas de résiliation du contrat administratif pour motif d’intérêt général puisse être déterminée forfaitairement par une stipulation contractuelle mais contrôle qu’elle ne soit pas d’un montant excessif (CE, 4 mai 2011, Chambre de commerce et d’industrie de Nîmes, n° 334280).